mercredi 28 mars 2012

Notre Printemps - Das Plateau


"Notre Printemps" par le collectif Das Plateau

texte Jacques Albert, mise en scène Céleste Germe, musique Jacob Stambach

avec Maëlys Ricordeau, Hadrien Bouvier, Denis Eyriey, Jacques Albert et Gaëtan Brun-Picard


Ce qui m'a tout de suite plu dans ce projet, c'est le mélange des styles. On commence par une nappe sonore, on enchaîne avec un film, on glisse vers de la danse, on a presque fini avec du théâtre et on termine par de la performance. Le collectif Das Plateau est constitué d'un auteur, d'une metteur en scène, d'une comédienne et d'un créateur de musique. Ils se mélangent, créent, proposent et voici leur dernière création "Notre Printemps". L'idée est belle, le projet ambitieux et ils relèvent le défi avec audace.

L'histoire d'Hélène et Pierre, un jeune couple amoureux, qui a un bébé, des amis, une maison... Et puis un jour Pierre tombe malade, c'est une épreuve. Apparemment il s'en remet... Et puis un jour Pierre meurt. C'est l'histoire du film, esthétique années 70, comédiens fougueux et frais, mise en scène douce, précise et tendre.

Au retour plateau une danse assure la transition avec le théâtre. C'est un beau moment, la création musicale s'épanouit au rythme des pas et des mouvements, comme une respiration, et pourtant nous retenons encore notre souffle, car notre gorge est serrée. L'histoire qui s'est déroulée est si triste.

Le théâtre maintenant, et le jeune couple ainsi que le frère du jeune homme autour d'une table, boivent un verre, l'air de rien... Et puis au fil de la conversation, on entend une possibilité d'explication de toute l'histoire. C'est une grille de lecture, mais il y en a d'autres... Le jeu sur la mort, le passé, le présent, et le fait de savoir...


C'est bien joué, les comédiens sont attachants et justes, et le canevas du projet est réussi. La danse et la performance du dernier tableau m'ont parlé, m'ont émue. J'aime aussi énormément la musique, qui est plus que cela, une vraie enveloppe sensorielle. On est touché par leur jeunesse et leur fraîcheur tout au long du spectacle, et il y a une grande maîtrise de l'ensemble, ça se tient.


Maintenant j'en ressors aussi avec des questions quant à la dramaturgie qui me semble-t-il, nous perd un peu en route. A trop vouloir suggérer, on ne sait plus très bien ce qu'ils veulent dire. Nous avons presque les éléments du tragique, mais il nous manque un dénouement qui soulagerait les tensions dans ce cas, ou bien un parti pris clair car les thèmes sont trop foisonnants. L'esthétisme 70's est ravissant mais peu crédible et surtout paraît gratuit. Mais le travail n'en est pas moins touchant et émouvant. Ils semblent présenter des thèmes qu'ils n'ont eux-mêmes pas vécu (un enfant, la maladie du conjoint et sa mort, les années 70...) ce qui rassemble leur projet autour du fantasme, et c'est peut-être ce qui me laisse perplexe, le survol. La temporalité est explosée ce qui est une belle tentative, mais du coup les thèmes abordés n'en semblent qu'effleurés, et on risque de rester dans l'illustration.


C'est le risque intrinsèque que prend un collectif, la dilution du propos. A côté de ça, pour un ensemble de voix justement, je trouve qu'ils ont réussi une unité de style, une ambiance, une couleur, et surtout l'envie de multiplier le champ créatif, et cela aussi c'est à saluer et encourager.


Au théâtre de Gennevilliers jusqu'au 1er avril 2012

samedi 24 mars 2012

Pré-Programme Avignon 2012

Vous pouvez découvrir ici le pré-programme du In du festival d'Avignon 2012 :


Avec quelques créateurs que j'aime beaucoup comme Marthaler, Steven Cohen, Josef Nadj, Ostermeier entre autres...

vendredi 23 mars 2012

Se Trouver - Pirandello - Nordey


"Se trouver" de Luigi Pirandello, mis en scène par Stanislas Nordey


avec Emmanuelle Béart, Claire Ingrid Cottanceau, Michelle Demierre, Vincent Dissez, Raoul Fernandez, Marina Keltchewsky, Frédéric Leidgens, Marine de Missolz, Laurent Sauvage, Véronique Nordey et Julien Polet.


au théâtre de la Colline jusqu'au 14 avril 2012


"Se trouver" est une oeuvre importante de Pirandello : cette pièce met en scène une comédienne, prise entre les réalités de son métier et ses désirs de vie. C'est un texte très dense et qui oscille entre accessibilité et obscurité. D'un côté des conversations ordinaires sur le thème être actrice et "jouer" ou "vivre" ses rôles, ressentir ou non les émotions des personnages, le défi de se "trouver" soi-même parmi le foisonnement des compositions. D'un autre côté des réflexions intenses partagées entre cette actrice et celui qui tentera de la faire exister en dehors de son art : son amour Ely. Ce thème autant philosophique qu'artistique est qui est sans doute à débattre à l'infini et à vivre d'autant de manières qu'il y a d'hommes, n'en est pas moins passionnant. Où sommes-nous quand on créée et "qui" créée finalement ? Et bien entendu comment se trouver dans tout cela, soi et par rapport aux autres ?


Donata la comédienne (littéralement "Donnée") traverse cette recherche au cours de la pièce. Celle qui se donne entièrement à son art, à ne plus s'appartenir, ne plus avoir de vie à elle, être un objet pour les autres, une image... tente soudainement d'exister lorsqu'elle rencontre Ely, artiste peintre, libre et sans attache. Seulement celui-ci refusera son don au théâtre et souhaitera qu'elle se donne à lui. Ici la réflexion philosophique de l'art se confronte à la sociologie, comment une femme peut-elle s'émanciper (années 30, années du texte) et à la psychologie plus largement, comment exister aussi dans l'amour d'un autre ? L'amour, que cela soit d'un art ou d'un autre, rend-il libre ou aliène-t-il ?


Autant de pistes, d'envie de se triturer les méninges, à la manière d'une introspection artistique, font que l'on peut regarder la pièce en réfléchissant. Et cela comporte les défauts de ses qualités... On décroche parfois, surtout lorsque le texte devient tortueux. Du reste l'interprétation est excellente, Emmanuelle Béart correspond très bien au rôle, elle est juste dans son jeu, et la mise en scène de Stanislas Nordey, toute en frontalité comme souvent, est grandiloquente et élégante. C'est propre et presque scolaire, j'ai personnellement regretté le manque de "corps". Même si Vincent Dissez tente d'en donner et si Emmanuelle Béart est une actrice charnelle, le tout reste très intellectuel. Je m'étonne car je trouve que Stanislas Nordey est un comédien physique et qui n'hésite pas à recruter des comédiens qui le sont aussi (notamment Laurent Sauvage...) mais ici il fige le tout, comme s'il craignait que le propos ne se disperse et qu'il voulait nous concentrer sur les mots. Cela fonctionne et cela permet en effet de bien entendre l'auteur. Mais pour une pièce comme celle là, où il est tant question de vivre dans son corps, de désirer, de vouloir posséder l'autre, et même qui tente parfois des audaces sensuelles dans les mots, je trouve que c'est resté trop cérébral. C'est une frustration plus qu'une véritable critique, une envie que le travail de Nordey se "salisse" un peu, et qu'il devienne alors assez incontournable.


A voir pour l'efficacité.


Photo Elisabeth Carecchio

mercredi 14 mars 2012

La Confusion - Nimier - Prugnaud


Texte de Marie Nimier, mis en scène par Karelle Prugnaud

avec Xavier Berlioz et Hélène Patarot, musiciens Fabien Kanou et Bob X

au théâtre du Rond Point jusqu'au 7 avril


Un bien surprenant tapis de peluches multicolores et une femme étendue en son coeur, dont la fumée de la cigarette emplit l'air, apparaissent après l'introduction faite par Karelle elle même. Une femme qui se perd dans ses réflexions et qui nous emmène au fil des ans... Elle se souvient, elle a vécu avec sa mère et un beau-père, un chien Kiki, et le fils de son beau-père... Un presque frère, tout sauf un frère... Une femme amoureuse, une femme qui semble agitée du cibouleau, qui gobe des médicaments et repasse ses peluches en même temps que ses souvenirs. Un petit bout de femme que cette Hélène Patarot, surprenante, émouvante, détonnante. Puis des hommes-chiens en cages sont lâchés sur le plateau, en costume de scène, ils déambulent au rythme de leurs cris. Les mises en scène de Karelle Prugnaud sont toujours un peu dans l'humaine ménagerie, un théâtre performance, qui lie les genres, musique à fond, fards et mots, talons compensés et hommes maquillés, une explosion de couleurs qui tutoie aussi parfois l'univers manga.


Au grès des échanges entre Sandra et Simon, deux enfants élevés ensemble mais pas frères et soeurs, dont on découvre la passion ravageuse, impossible, qui les a détruit tous les deux au fil de leurs vies ratées... La mise en scène fourmilles d'idées et de rebonds, à la lisière comme est le texte, de la folie et de la perte. Le public parfois un peu âgé du Rond Point semble perplexe et c'est assez jouissif. Beaucoup d'images plastiques, parfois X, de poses arts plastiques et de musique électrique, c'est le théâtre magique de Karelle Prugnaud. Le texte est sublimé, et autant parfois les mise en scènes manquent d'idées, autant celles de Karelle Prugnaud n'en manquent pas, il faut même trier un peu, s'approprier les messages et découvrir comme dans un coffre à jouets trop plein, ceux qui résonnent en nous. De bons comédiens, une histoire poignante, le tout dans un melting pot de sensations et de couleurs...


Un bonbon acidulé à voir au Rond-Point encore jusqu'au 7 avril 2012.

Un article sur Un soir ou un autre


Photo Giovanni Cittadini