mercredi 8 février 2012

Nous avons les machines - Chiens de Navarre


Une création des Chiens de Navarre, mis en scène par Jean-Christophe Meurisse

avec Maxence Tual, Manu Laskar, Thomas Scimeca, Jean-Luc Vincent, Anne-Elodie Sorlin, Céline Fuhrer, Robert Hatisi, Caroline Binder



Il est fort difficile, voire impossible, de parler d'un spectacle des Chiens de Navarre sans en dévoiler le contenu. Or les effets de surprise sont fort importants dans leurs dispositifs scéniques, même si l'on retrouve malgré tout, une sorte de formule qui en fait leur marque de fabrique. Cela dit au regard du nombre d'articles parus sur ce dernier spectacle, certains d'entre eux ont été dévoilés.


Tout d'abord l'harangue au public, lorsque nous entrons dans la salle, les comédiens culs nus et masqués nous interpellent depuis les loges. Cela pose une sorte de décor de base, une ambiance nous dirons... A peine assis nous rions déjà et le décalage avec ces personnages mi nus qui nous souhaitent la bienvenue ou nous agressent, ou encore tentent de nous éduquer, établissent un rapport comédiens / public qui nous porte immédiatement à réfléchir sur notre position. Que venons nous voir, et qui et pourquoi et encore... où ? L'obscène est là, au sens de la marge de la scène, de ce qui est "regardable" ou pas.


Ensuite leur fameuse table et la réunionite aigue qu'ils malmènent depuis plusieurs spectacles, l'humain parle à l'humain en vue de lui organiser sa vie dans sa société. Un regard encore une fois croisé sur ce qui peut nous réunir, autour d'une table, ou pas. Cette fois il s'agit de plusieurs associations humanitaires, un projet commun avec la mairie et tous les clichés y passent. Jongler avec les clichés qui ne sont jamais qu'une exagération d'une chose méconnue, comme le grotesque l'est d'une chose vraie, nous ramène au plus près de ce que nous ne voulons plus voir. Ou de ce qui nous brûle les yeux tous les jours. D'ailleurs cette fois là, ça leur a bien explosé au visage (et paf un doigt en moins Thomas...).



Nous prenons ensuite une navette à travers l'espace temps et allons voir si les clichés se portent toujours aussi bien sur Pluton en 2312... ou quelque chose d'avoisinant. Qu'on soit à St Martin en Brie ou dans le cosmos avec les petits hommes verts, les chefs sont toujours des trous du culs. Tour de force du comédien Maxence Tual, brillant du début à la fin, qui n'hésite pas à plonger corps et âme dans son rôle, offrant son corps à tous, audience et personnages qui le dévorent.


Bref, ici tout est rassemblé : le corps, le monde, la politique, le sexe, la vie, la mort, l'art... tout ce qui nous unit ou nous sépare, le théâtre le plus vivant qui soit, celui qui d'adresse à la vie qui est en nous, pour peu qu'il en reste. Et d'accepter de se faire secouer, mise en abîme abîmée sur le plateau de ce que sont nos âmes endormies, malmenées, saoules des carcans et de ses dirigeants, que cela soit de l'ordre établi comme de l'habitude sociale qui nous assomme. Les Chiens de Navarre ont ce don de faire des allers retours constants entre situations réelles et imaginaires, jouant au tennis avec notre cerveau, en espérant que quelque chose en sorte. Au mieux, une révolution ? Au moins un état des lieux...


La scène d'anthropophagie m'a fait penser à celle des "Souffrances de Job" d'Hanokh Levin mise en scène par Laurent Brethonneaux à l'Odéon, ou peint et nu, Job est sacrifié tel le Christ, sur l'autel de l'humanité. Magnifique...


En sortant on se demande si les Chiens de Navarre qui sont pour moi devenus des incontournables du théâtre contemporain, à la frontière même de la performance d'ailleurs, pourront aller plus loin que cet opus, car ici on n'est pas loin du dépassement de bornes, c'est ce qui les rend géniaux.


A voir :

LA :

du 26 au 28/01 à la Maison des Arts de Créteil

du 1er au 4/02 au Centre Pompidou Paris

du 8 au 9 /02 au Théâtre de Vanves

du 6 au 12/04 au Théâtre de Gennevilliers LIEN ICI

www.chiensdenavarre.com