lundi 12 décembre 2011

Golgotha Picnic - Garcia



Création de Rodrigo Garcia
avec Gonzalo Cunill, Marino Formenti, Nuria Lloansi, Juan Loriente, Juan Navarro, Jean-Benoit Ugeux
Musique Joseph Haydn
Théâtre du Rond Point jusqu'au 17 décembre 2011

Bien sûr ces temps derniers, beaucoup de bruit a été fait autour de cette création ainsi que de celle de Castellucci au Châtelet, à cause des réactions des catholiques intégristes. Il est vrai qu'il est difficile donc de juger la pièce en dehors de cette actualité. Lorsqu'on arrive au théâtre du Rond Point on est forcément estomaqué par le dispositif policier mis en place. Il est nécessaire de franchir 4 barrages avant de rentrer en salle, fouille au corps, détecteur de métal... On se croirait à l'aéroport. A mon sens c'est triste d'en arriver là. Qu'en 2011 on en soit encore avoir recours à la police pour permettre à une oeuvre de s'exprimer. Quelques semaines après l'attentat dont a été victime Charlie Hebdo pour sa couverture provocante certes, mais surtout humoristique, on sent vraiment une ambiance inadmissible autour de la liberté d'expression et le sujet qui n'en fini pas d'être tabou, les croyances. C'est un véritable sujet de réflexion, alors que nous sommes dans un monde de plus en plus matérialiste, il est toujours aussi compliqué de toucher à la religion. Comme quoi...

Ainsi la création de Rodrigo Garcia commence par un texte d'excuses : "J'ai honte de présenter un spectacle sous la protection d'un tel dispositif" nous dit l'auteur... La salle applaudit. La comédienne commence par une liste d'horreurs que l'humain fait à l'humain depuis la nuit des temps, et là encore cela fait entre autres écho à celles prodiguées par les guerres de religions. Le plateau est recouvert de pain à hamburger, la multiplication des pains d'aujourd'hui ! Le ton est donné, c'est une pièce vraiment drôle et ironique, grinçante à souhait qui se déroule. Le ton habituel de Rodrigo Garcia, une critique de la société, des pires aspects de l'homme mais aussi de son extrême folie créatrice parfois et surtout de son regard malicieux qui peut le sauver, sa capacité justement à s'amuser de tout même du pire. Il est question de Jesus en effet, sous différentes formes, des images plus ou moins caricaturales, extravagantes, provocantes... Mais toujours drôles et surtout, pour peu qu'on y jette un regard concerné, jamais gratuites et empreintes de tendresse aussi. Comme l'on ne critique jamais tant que ceux qu'on aime. La satyre d'un Jesus arnaqueur et flemmard est bien entendu à prendre au second degré (exemple : "sur des millions de gens, il n'y en a que 12 qui l'ont suivi..! ou encore "Argent pourquoi m'as-tu abandonné ?" C'est presque drôle comme une blague).

Bien sûr il y a de la nudité, des hommes habillés en femme, et une femme déguisée en Jesus, de l'alcool... Un ange déchu qui saute en parachute... Très belle image d'ailleurs. Des êtres qui pourraient être des anges ou des humains ou des Dieux, pic-niquent, palabrent, délirent, racontent... Font des échafaudages de pain avec des vers, se déguisent, se clouent sur des croix, dansent... Boivent, jouent de la musique... vivent en somme, sur le plateau. Mon avis est qu'il faut vraiment manquer d'humour pour voir une attaque frontale de Jesus ou de la chrétienté ou encore de Dieu, mais plutôt un regard sur ce message transmis depuis la nuit des temps. De toute façon il est questionnant de voir que l'on ne peut pas se moquer de la religion, alors que l'on n'hésite pas à se moquer de tout le reste. La création que j'ai faite à l'Etoile du Nord où j'étais moi-même Christ aux seins nus, déclamant le texte d'une prostituée battue, était à mon avis bien plus provocante que ce Golgota Picnic si drôle et satirique (heureusement que je n'ai pas la notoriété de Garcia, j'aurais sans doute été attaquée aussi... mais c'est resté bien confidentiel !).

Au cours de la pièce, Garcia présente des oeuvres d'art, des fresques ou peintures saintes et nous fait visiter le regard de l'homme sur ses croyances. Au final "Les sept dernières paroles du Christ sur la croix" de Haydn sont jouées au piano, instant délicieux qui donne la parole à la non parole, qui réconcilie l'homme, le public, le Christ et la création, qu'elle soit humaine ou divine, dommage que les plus concernés ne soient pas justement présents pour y réfléchir avec nous.

A voir ce n'est pas complet, ou à acheter, le texte est publié chez Les Solitaires Intempestifs
et un article ici sur le blog Chronique du RER B qui résume bien aussi ma pensée : ICI

samedi 10 décembre 2011

Coeur Ténébreux - Conrad - De Pauw - Cassiers


D'après "Au coeur des Ténèbres" de Joseph Conrad, adaptation et jeu Josse De Pauw
Mise en scène Guy Cassiers
Scénographie Guy Cassiers, Enrico Bagnoli, Arjen Klerkx
au théâtre de la Ville à Châtelet jusqu'au 11 décembre

Un plateau nu et d'immenses panneaux de bois en fond, qui se meuvent et reçoivent les couleurs vives de vidéos projetées ; c'est une très belle scénographie qui nous accueille dans les premières minutes de ce spectacle. Un homme avance, et nous relate son voyage. L'Afrique peut être, l'Amazonie... Nous nous laissons guider au gré de ses souvenirs.

Puis nous comprenons qu'il s'agit de l'Afrique, du temps des colonies. Le texte est d'une grande beauté, ciselé, précis, si littéraire, il s'entrechoque avec la violence de l'endroit décrit. Le personnage principal joué par Josse De Pauw remonte un fleuve pour aller chercher un homme, quelqu'un d'illustre, quelqu'un dont la pensée a fasciné tant ceux qui l'ont connu. Ici Guy Cassiers et le comédien ont monté un savant jeu de mélange entre l'acteur sur le plateau et les vidéos projetées sur les panneaux de bois. Tous les personnages sont joués par Josse de Pauw, et il se répond à lui même par le biais des projections. Comme un monologue intérieur, une rêverie, ou encore comme dans nos souvenirs, où nous sommes ceux que nous avons rencontrés. Le résultat est magnifique, les panneaux de bois pivotent, le comédien parle, la vidéo répond et se confond avec le comédien qui par un effet de superposition semble être dans la même pièce.

C'est un très beau moment de théâtre avec un texte qui nous fait réfléchir sur la colonisation et ce que l'Europe devient aujourd'hui, dans les suites directes de cette époque. En cette période trouble cela fait particulièrement écho, et les artistes du théâtre Belge d'Anvers Cassiers et De Pauw nous rappellent ici le devoir de mémoire. Nous sommes transportés par les images violentes et crues, ou par la beauté des paysages sauvages qui nous sont transmis par le biais d'un texte d'une telle qualité. Cela donne envie de lire les livres de Conrad si ce n'est déjà fait.

Je regrette juste une forme de monotonie dans la diction du comédien remarquable cependant de précision et de simplicité. On sent un amour profond des mots et pour ce texte qu'il a adapté et que Cassiers met en scène ici.
A voir rapidement ce joue jusqu'au 11 décembre uniquement.


lundi 28 novembre 2011

Bullet Park - Cheever - Les Possédés


d'après "Bullet Park" de John Cheever, mise en scène Rodolphe Dana

avec David Clavel, Françoise Gazio, Katja Hunsinger, Antoine Kahan, Nadir Legrand, Christophe Paou et Marie-Hélène Roig

au Théâtre de la Bastille jusqu'au 22 décembre 2011


La littérature américaine des années 60 est très inspirante. Je pense à John Fante, à Faulkner, Hemingway, Steinbeck, T. Williams, Capote, Miller, Salinger, Hubert Selby Jr, et j'en passe... Et l'on retrouve saupoudrée cette ambiance si particulière de la famille qui essaye d'être modèle, dans l'oeuvre de Cheever mise en scène par Rodolphe Dana. Ici se croisent deux couples, qui tentent de vivre tranquillement dans cette amérique de banlieue confortable. Paul et sa femme Marietta qui frise la douce folie de la femme au foyer sans enfant qui s'ennuie, découvrent leurs voisins Eliott et Nellie et leur fils Tony. Chacun se débrouille avec ses peurs et ses espoirs, son quotidien et son besoin d'équilibre. Le fils Tony tente de grandir et de se forger une personnalité dans cette amérique bien pensante, ce qui le mènera dans l'impasse de la dépression. Tandis que l'on découvrira que chez les plus propres d'apparence, peut se cacher les pires intentions.


Comme souvent dans cette littérature américaine, le désespoir n'est jamais loin et il tutoie la folie, la titille et l'appel de ses voeux. Chacun des personnages semble au bord de verser dans quelque chose d'incontrôlable. C'est une réflexion sur la folie ordinaire bien sûr, le désir de se conformer à la société, et peut être ne pas y arriver autrement qu'en surface. Finalement le meurtre n'est pas loin, la dépression non plus, et le sage est celui qui sort du conformisme.


Le collectif des Possédés qui travaille souvent sur ce "vivre ensemble", suivant les époques et les lieux, rassemble ici encore le souhait de partager les errances et les combats de chacun, dans une société qui, quelle qu'elle soit, comporte des codes qui peuvent être à l'encontre du vivant. Une belle piste de réflexion, même si cet opus n'est pas dans mes préférés. Le jeu étant toujours d'une grande qualité, m'a semblé pour une fois manquer de naturel et de rythme.

Collectif à suivre néanmoins.

photo Raphaël Pierre

lundi 7 novembre 2011

Au moins j'aurai laissé un beau cadavre - Macaigne


d'après Hamlet

Écriture, mise en scène, conception visuelle et scénographique Vincent Macaigne
Scénographie Benjamin Hautin et Julien Peissel

Avec Samuel Achache, Laure Calamy, Jean-Charles Clichet, Julie Lesgages, Emmanuel Matte, Rodolphe Poulain, Pascal Reneric, Sylvain Sounier

Au théâtre de Chaillot jusqu'au 11 novembre


Ce n'est rien dévoiler que de dire que dès l'entrée en salle, nous sommes pris par une ambiance de folie, animée par un comédien, transformé en G.O. pour l'occasion. Tout le monde doit se lever, tendre les bras, répéter les paroles d'une chanson, faire du bruit... C'est la grande hilarité et la présence de scolaires n'y est sans doute pas pour rien. Certains ne jouent pas le jeu, boudent en faisant une moue d'intellectuels impatientés, ou encore attendent juste timidement en souriant un peu amusés malgré tout. Mais heureusement pour le théâtre vivant, l'action que l'on pourrait juger comme voulant se mettre facilement le public dans la poche (et quand bien même c'est plutôt une tentative intéressante) fait que la plupart participent, cela nous permet de rentrer dans la pièce d'une manière assez efficace. Cela démarre donc sur les chapeaux de roues, la fluidité de l'échange public / comédien étant installée, le naturel de ces derniers n'en parait que renforcé.


Un texte complètement adapté à notre époque, là il peut y avoir débat sur la nécessité, rebondit au rythme des interventions. C'est un Hamlet très en colère, d'ailleurs tous les personnages passent la quasi totale première partie hors d'eux, à s'engueuler les uns les autres. C'est très acide et drôle, bouffon, loufoque, presque trop, on en perd le texte parfois tellement ça crie... mais on est quand même pris et parfois interpellés par leurs colères : "Hamlet, tu n'es qu'un enfant gâté dépressif !" hurle Claudius déguisé en banane... Rien ne nous est épargné, la drogue, le sexe, le bruit, le ridicule... Les comédiens déboulent de partout, interpellent le public, continuent à nous faire lever... On ne sait plus où en donner de la tête, c'est plein de tentatives en tous genres et c'est courageux.


Chaque scène est une trouvaille de mise en scène, avec toujours beaucoup d'humour et en même temps un vrai tragique humain et démesuré. Concernant l'histoire, rien n'est trahi et tout semble accessible sans pour autant être simple. Tous les registres y passent, le grossier, le vulgaire, le dément... Mais à une grande vitesse donc on enchaîne. On pourra trouver ce travail démago, bruyant, non sans rappeler le Hamlet d'Ostermeier qui travaillait aussi le registre du burlesque. Une mise en scène originale sans l'être, le théâtre osé et animé par la profusion est en vogue en ce moment, une envie collégiale de faire bouger les choses ou tout simplement de continuer à le faire vivre, du théâtre populaire au noble sens du terme en tous cas.

Je conseillerais cette pièce aux personnes un peu dégoûtées du théâtre et notamment des classiques, cela les réconciliera peut être avec le genre... "au moins j'aurais laissé un bon souvenir".






samedi 1 octobre 2011

Clôture de l'amour - Pascal Rambert

Vous trouverez ICI le web documentaire que j'ai réalisé sur la création de Pascal Rambert "Clôture de l'amour" qui se jouera du 30 septembre au 22 octobre 2011 au théâtre de Gennevilliers, avec Stanislas Nordey et Audrey Bonnet.

lundi 26 septembre 2011

Quelques recommandations théâtre saison 11/12

Voilà que toutes les saisons sont annoncées, pour les théâtres publics, je propose ici quelques pièces qui me tentent, bien sûr ce n'est pas du tout exhaustif et pourra à tout moment être modifié... ! Mais pour préparer ses abonnements cela peut être utile.

Je commence avec mon chouchou :

Le théâtre de Gennevilliers :

- Bien sûr la dernière création de Pascal Rambert "Clôture de l'Amour", déjà parce que cela me tente de découvrir son écriture, et que j'aime beaucoup Stanislas Nordey qui se distingue particulièrement depuis quelques temps comme comédien. Ce spectacle sera présenté à Avignon cette année du 17 au 24 juillet.
du 30 sept au 22 octobre

- "Le vrai Spectacle" de Joris Lacoste, basé sur l'hypnose de spectateurs, cela peut être une expérience, et j'aime bien les tentatives de ce metteur en scène singulier qui cherche autour du langage de l'humain.
du 9 au 19 novembre

- Un spectacle créé par Hubert Colas "Tout est bruit pour celui qui a peur" autour du sentiment d'insécurité, ses spectacles sont toujours de grands moments de mise en scène et il sait choisir de très bon comédiens.
du 12 au 28 janvier 12

- Et enfin mes petits Chiens de Navarre qui sont à voir et à revoir pour ceux qui ne les connaissent pas encore, dans leur prochaine création pour le moment encore dans les tuyaux de leurs cerveaux, mais à gager que cela sera encore un grand moment de théâtre vivant, drôle et contemporain...
du 27 mars au 12 avril 12


Un théâtre qui a une très belle saison 11/12 avec un florilège de pièces : Le théâtre du Rond Point

- "Oncle Gourdin" un travail de Sophie Perez et Xavier Boussiron, dont il est toujours intéressant de voir les créations, si l'on s'intéresse au théâtre contemporain et à une manière singulière de le voir.
du 8 septembre au 8 octobre

- Reprise de "La Loi du Marcheur" (mon article ICI) très très bon moment sur les déambulations mentales de Serge Daney, avec Nicolas Bouchaud et mis en scène par Eric Didry.
du 29 novembre au 31 décembre

- "Golgota Picnic" la dernière création de Rodrigo Garcia, qui me rend curieuse même si jusqu'à présent je n'ai aimé qu'un spectacle sur deux de lui, très politique et poétique à la fois, parfois je trouve qu'il verse dans le facile. A voir malgré tout, c'est toujours bon de se faire une opinion.
du 8 au 17 décembre

- "El ano de Ricardo" d'Angelica Liddell dont j'avais raté à Avignon l'an passé la création et que tout le monde traitait de génie après avoir vu son "La caza de la Fuerza" qui sera repris à Odéon d'ailleurs. Cette metteur en scène espagnole a l'air de décoiffer sévère d'audace et de fraîcheur...!
du 12 au 29 janvier 12

- "La Confusion" de Marie Nimier mise en scène par Karelle Prugnaud. J'aime beaucoup le travail encore discret de cette metteur en scène très plastique, qui associe audace et couleurs, animalité et corps, du burlesque au sens noble du terme, à ne pas rater.
du 7 mars au 7 avril 12

- "Je m'occupe de vous personnellement" une création d'Yves-Noël Genod, je n'ai pas beaucoup d'infos mais j'espère qu'il jouera dedans. Son univers est toujours un grand moment de plaisir des sens et des méninges, surtout lorsqu'il en fait partie, pour nous décrire le monde tel qu'il le voit. Un créateur unique à ne pas manquer.
du 31 mai au 24 juin 12

- Et enfin last but not least, la reprise de "My Secret Garden" de Falk Richter et de et avec Stanislas Nordey (article ICI) une des pièces les plus modernes et envoûtante de l'année passée.
du 7 au 24 juin 12

A l'Odéon pour la dernière saison d'Olivier PY (soi disant pas assez Européenne ????) :

- "La Dame au Camélias" de Dumas mis en scène par Frank Castorf, un metteur en scène allemand que je ne connais pas encore et dont j'entends toujours parler en bien, dont il me tarde de voir le travail assez fou furieux et dans la profusion il me semble...
du 7 janv au 4 fev 12

- "Les souffrances de Job" de Hanokh Levin mis en scène par Laurent Brethome, que j'ai vu l'an passé au festival Impatience, je n'avais pas écrit faute de temps mais j'ai adoré l'audace et la richesse de cette mise en scène qui m'a enfin fait aimer et comprendre cet auteur que souvent l'on monte de travers et du coup que l'on a du mal à appréhender. A voir absolument !
du 19 au 28 janvier 12

- "Bloed and Rozen" de Tom Lanoye, mis en scène de Guy Cassiers, juste pour voir le travail de ce Hollandais qui est souvent critiqué... Cela m'intrigue.
du 8 au 12 février 12 (c'est court !)

- "La caza de la Fuerza" d'Angelica Liddell, de l'espagne donc... (voir plus haut)
du 23 au 28 mars 12 (c'est court aussi mais pas la pièce qui dure 5h)

- "Maß für maß" (mesure pour mesure) de Shakespeare, mis en scène par Thomas Ostermeier qui est l'un de mes metteurs en scène favoris allemands, l'un des rares à savoir monter Shakespeare de manière contemporaine sans le trahir, sans non plus perdre de vue la capacité de l'auteur à être autant dramatique que drôle parfois. A noter que les comédiens sont TOUS excellents dans ses mises en scènes... Une bonne leçon de théâtre...
du 4 au 14 avril 12

- Reprise de "Cercles / Fictions" et de "Ma chambre froide" de Joël Pommerat, séance de rattrapage donc pour ceux qui les ont raté l'an passé. (article ICI)
du 23 mai au 24 juin 12

La Colline :

- "La salle d'attente" de Lars Noren, mise en scène de Krystian Lupa, pour découvrir Lupa...
du 7 janvier au 4 fev 12

- "Se trouver" de Luigi Pirandello, mise en scène de Stanislas Nordey, parce que je trouve que le travail de Nordey est interessant, en maîtrise parfaite de la frontalité et de ce fait en transmission du texte efficace.
du 6 mars au 14 avril 12

Le théâtre National de Chaillot nous propose encore cette année beaucoup de danse, mais il y a aussi :

- "Au moins j'aurais laissé un beau cadavre" de Shakespeare, mise en scène Vincent Macaigne, pour découvrir son travail que je ne connais pas et qui est très contemporain parait-il.
du 2 au 11 novembre 11

- "Contes Africains" d'après Shakespeare, mise en scène de Krysztof Warlikowski, pour l'ingéniosité et la profusion de ce metteur en scène polonais à connaître.
du 16 au 23 mars 12

- "Temps" de et mis en scène par Wajdi Mouawad. En tant que grosse fane de cet auteur, j'attends ce moment avec impatience, puisque cette année je suis privée d'Avignon, où cette création sera présentée. Avis aux amateurs de théâtre épique contemporain !
du 15 au 25 mai 12

A l'Athénée toujours de la musique et puis :

- "Les larmes amères de Petra Von Kant" de Rainer Fassbinder, mise en scène de Philippe Calvario, pour le texte.
du 22 mai au 9 juin

Au théâtre de la Ville :

- "+/- 0" de Christoph Marthaler que j'ai littéralement adoré à Avignon l'an passé dans son génial Papperlapape (article ICI) j'ai hâte de voir sa dernière oeuvre.
du 16 au 24 sept 11

- "Sul concetto di volto nel figlio di Dio" une création de Roméo Castellucci. Pareil pour découvrir son travail apparemment particulier...
du 20 au 29 octobre 11

- "Lulu" de Wedekind par le Berliner ensemble et Lou Reed, une pièce exceptionnel, une troupe exceptionnelle, un musicien exceptionnel... mise en scène Robert Wilson que dire ?
du 4 au 12 novembre 11

- "Toneelhuis d'Anvers" de Josse de Pauw, mise en scène Guy Cassiers, voir plus haut.
du 6 au 10 décembre 11 (c'est court !)

Voilà pour le moment. A rajouter La Bastille dont je n'ai pas encore le programme, mais avec un Jean-Michel Rabeux j'ai ouïe dire... et La Ménagerie de Verre toujours très intéressante... et autres...

Si certains théâtres veulent m'inviter sur ces pièces, qu'ils n'hésitent pas !!


jeudi 30 juin 2011

Recommandations Avignon 2011

Voici quelques recommandations pour le Festival (attention je vais peut-être en rajouter au fur et à mesure...) :

IN :

"Clôture de l'Amour" écrit et mis en scène Pascal Rambert
avec Stanislas Nordey et Audrey Bonnet
du 17 au 24 juillet à 18h Salle Benoît XII
Une très belle pièce sur la fin d'un amour, deux acteurs remarquables.

"L'indestructible Madame Richard Wagner" écrit et mis en scène par Christophe Fiat
avec Clémentine Baert, Martine de Missolz, Florence Janas, Laurent Sauvage et Laure Wolf
du 18 au 24 juillet à 18h30 au Tinel de la Chartreuse à Villeneuve lez Avignon
Un spectacle que j'ai adoré à Gennevilliers, pas eu le temps de le chroniquer malheureusement mais il vaut le détour. La vie de Mme Richard Wagner et de sa descendance, jouée et portée par des comédiennes incroyables et une énergie toute musicale. A voir !

Des idées de spectacles que je n'ai pas vus mais qui sont tentants :

"Des Femmes" d'après Sophocle, mise en scène Wajdi Mouawad
avec Pierre Ascaride, Olivier Constant, Sylvie Drapeau, Bernard Falaise, Charlotte Farcet, Raoul Fernandez, Pascal Humbert, Patrick Le Mauff, Sara Llorca, Alexander MacSween, Marie-Eve Perron et Emmanuel Schwartz
du 20 au 25 juillet à 21h30 à la Carrière de Boulbon

"Oncle Gourdin" de Sophie Perez et Xavier Boussiron
avec Marie-Pierre Brébant, Gilles Gaston-Dreyfus, Françoise Klein, Sophie Lenoir, Stephane Roger et Marlène Saldana
du 12 au 17 juillet horaires variables au Gymnase du Lycée Mistral

"Au moins j'aurai laissé un beau cadavre" d'après Hamlet de Shakespeare mise en scène Vincent Macaigne
avec Laure Calamy, jean-Charles Clichet, Sébastien Eveno, Thibault Lacroix, Julie Lesgages, Emmanuel Matte, Rodolphe Poulain, Pascal Rénéric et Sylvain Sounier
du 9 au 19 juillet à 21h30 au Cloître des Carmes

Il y aura aussi un Castellucci, un Cassiers et un Chéreau...

Voilà pour le In et en

OFF

"La belle de Cadiz" écrit et mis en scène par Mohamed Rouabhi
avec Claire Nebout
du 8 au 26 juillet à 14h10 au Chien qui fume (04 90 85 25 87)

"Rapport sur Moi" de Grégoire Bouillier, mise en scène Anne Bouvier
avec Michael Chirinian
du 8 au 31 juillet au théâtre les Ateliers d'Amphoux (04 90 86 17 12)
article ICI

"C'est la faute à Rabelais" écrit par Eugène Durif, mise en scène Jean-Louis Hourdin
avec Eugène Durif et Pierre-Jules Billon
du 7 au 29 juillet à 16h30 au Théâtre des Halles (04 90 85 52 57)

"Horovitz mis en pièces" courtes pièces d'Israël Horovitz, mise en scène Léa-Marie Saint-Germain
avec Nathalie Bernas, Mathilde Bourbin, Laura Chétrit, Lea-Marie Saint-Germain, Pierre-Edouard Bellanca, Aurélien Gouas, Pierre Khorsand et Arnaud Perron
du 8 au 31 juillet à 22h30 au théâtre du Bourg Neuf (04 90 85 17 90)

jeudi 23 juin 2011

Les Possédés au théâtre de la Bastille


Planète

Texte d’Evguéni Grichkovets, mise en scène de David Clavel et Nadir Legrand avec David Clavel et Marie-Hélène Roig

Loin d’eux

Texte de Laurent Mauvignier, mise en scène de David Clavel et Rodolphe Dana, avec Rodolphe Dana


Collectif Les Possédés

Théâtre de la Bastille, du 6 juin au 1 juillet 2011


Le premier texte, la première ambiance, à 19h30, est citadine. Un homme observe une femme chez elle par sa fenêtre et il s'interroge. Sur sa vie à elle bien sûr mais aussi sur son regard à lui, sur la probabilité que deux êtres se croisent, se parlent, se comprennent, s'aiment dans la ville. Tout au long de ce texte la femme évoluera dans son espace et lui égrainera son questionnement, son désarroi face à ce que l'on pourrait appeler "l'ultra moderne solitude".


C'est remarquablement bien joué comme toujours, les comédiens et metteurs en scène du collectif Les Possédés ont compris quelque chose de la transmission aux spectateurs, du parlé direct qui ne s'embarrasse pas de protocole, une main tendue à notre intelligence et à notre sensibilité. Cela nous permet d'entrer dans le propos et de suivre ce qu'ils veulent nous offrir, de se sentir inclus.


Cette courte pièce un peu triste est suivie à 21h dans la grande salle par un monologue tirés du roman "Loin d'eux" de Laurent Mauvignier. Un jeune homme se suicide et tour à tour ses proches, puis lui-même, prennent la parole et s'expriment en toute pudeur sur cette disparition. Un texte extrêmement poignant qui reste toujours dans la dignité, sur l'incompréhension mutuelle au sein d'une famille, sur les écarts entre les générations ou les univers qui peuvent coexister sans se rencontrer. Là encore Rodolphe Dana qui fait tous les personnages les uns après les autres, est magistral. Une grande interprétation toute en finesse et en douceur, avec au fond le vrai désespoir que comporte cette situation. Un véritable talent autour d'un texte d'une grande beauté.

Ce que j'aime particulièrement dans ce collectif qui sait aussi bien manier les classiques comme Tchekhov (remarquable Oncle Vania il y a deux saisons à la Bastille), comme des textes épiques (Merlin l'an passé à la Colline) ou encore ici avec deux textes contemporains et sombres, c'est leur simplicité dans la transmission. Bien sûr cette apparente simplicité demande énormément de travail, mais on sent qu'ils souhaitent avant tout se rapprocher du spectateur et rendre le théâtre à son rôle, pour moi essentiel, de messager. Cette proximité est vraiment à aller rencontrer au théâtre de la Bastille et à suivre à chaque fois que les Possédés passent.


Ancien article :

LIEN ici pour ONCLE VANIA

dimanche 12 juin 2011

KOLIK - Goetz - Colas

photo Sylvain Couzinet-Jacques

de Rainald Goetz, mise en scène Hubert Colas
avec Thierry Raynaud
à la Ménagerie de Verre jusqu'au 18 juin

La sobriété délicate et toujours surprenante de la scénographie d'Hubert Colas, nous invite cette fois dans un espace noir, au milieu duquel trône une table, un micro et Thierry Raynaud face à une centaine de verre à shots. Plus tard lorsque nos yeux seront habitués à l'obscurité, nous devinerons son ombre blanche projetée dans le lointain. Inverse de l'ombre, la part blanche qui se révèle...

Thierry Raynaud va se livrer là, au fil des mots et des délires de l'auteur Rainald Goetz, à une véritable performance de comédien, que tout amoureux du théâtre se devrait de venir voir. Le texte tout d'abord qui semble être un enchevêtrement de pensées soliloques, qui se suivent malgré tout dans un discours presque auto adressé, de celui que l'on se tient dans certaines mises au point qui virent au bilan de vie et rejoignent la philosophie. Ce texte contemporain et mordant qui crie, qui râcle, qui tord les mains, qui souffre et rit aussi de soi...

Plus les mots sortent, plus l'acteur se vide de sa noire humeur plus il se remplit de ces verres qu'il ingurgite "too shuss" d'un coup comme on se tirerait une balle. Echo à Goetz qui est aussi un performer (il a notamment lu un de ses textes en se tailladant au rasoir en même temps). C'est une performance que d'avaler tout ce liquide, mot après mot, une idée, un verre, un cri, un verre, une terreur, un verre... Au mot près.

Goetz le Berlinois qui a cotoyé de près la folie puisque docteur en psychiatrie, semble nous livrer ici les ultimes instant d'un retour sur soi même avec au fond l'envie de trouver une raison de vivre, sans y arriver. La mort rode dans ce texte, la merde, la crasse, la vie de chien... Une dissection du cerveau n'est jamais loin, et la vérité de l'ivresse qui pousse aux pires constats et actes. Tout y passe, l'air de rien, l'oppression, la discipline, l'éveil, la musique, la lumière, le calcul, connaître le monde, le doute, la pensée, le mensonge, la vie, la mort, l'être, le désespoir. Cela pourrait être le discours contemporain d'Hamlet. Alors pourquoi ce micro ? Peut être le metteur en scène a voulu brouiller les pistes d'un discours qui serait entendu, et non répété pour soi.

Le rythme se fait, le noir, aussi, on est presque dans une chanson, une litanie, on attend incrédule, on remarque forcément les nuances de jeu de ce comédien hallucinant qui est capable de distinguer chaque mot, chaque intention. "On boit un coup ? Ca venge"... voilà un homme qui noie son désespoir dans l'alcool ou bien sa trop grande clairevoyance, ou juste sa fatigue... Il ne cherche même plus à refaire le monde, mais à voir s'il reste quelque chose qui pourrait l'y retenir. C'est infini ce que l'on pourrait tirer de ce texte et chacun sans doute y puisera ses propres grilles de lecture. Une mise en scène et un jeu étonnamment sobres et fins pour un sujet qui aurait pu ne pas l'être, une délicatesse et un ciselage de présentation.

Il faut aller voir ce travail remarquable à tous points de vue et suivre comme je le fais maintenant depuis quelques années, Thierry Raynaud et Hubert Colas qui me semblent incontournables dans la scène théâtrale contemporaine.

jeudi 12 mai 2011

A vos agendas ! Programme du Festival d'Automne 2011

Théâtre (mes recommandations en ***)

***Christophe Marthaler - ± 0 / Théâtre de la Ville

Richard Maxwell - Neutral Hero / Centre Pompidou / Théâtre de l'Agora - Scène nat. d'Evry

Bérangère Jannelle - Vivre dans le feu / Les Abbesses

Berlin - Tagfisch / Le CENTQUATRE

Lagartijas tiradas al sol - Asalto al agua transparente / El Rumor del incendio / L'Apostrophe - Théâtre des Arts-Cergy / Maison des Arts Créteil

***Robert Wilson / Lou Reed / Berliner Ensemble - Lulu de Franck Wedekind / Théâtre de la Ville

***Compagnie De KOE - Outrage au public de Peter Handke / Théâtre de la Bastille

***Joris Lacoste - Le vrai spectacle / Théâtre de Gennevilliers

***Collectif Les Possédés / Rodolphe Dana - Bullet Park / La Scène Watteau / Théâtre de la Bastille

Robyn Orlin - ... have you hugged, kissed and respected your brown Venus today? / Théâtre Romain Rolland / Théâtre de la Ville / Théâtre des Bergeries

Théâtre du Radeau - Onzième / Théâtre de Gennevilliers

***Guy Cassiers - Coeur Ténébreux de Josse De Paw / Théâtre de la Ville

Daniel Veronese -
/ Théâtre de la Bastille

Claudio Tolcachir / Timbre 4 - Tercer Cuerpo / Maison des Arts Créteil

Daniel Veronese - Le Développement de la civilisation à venir / Les Enfants se sont endormis / Théâtre de la Bastille

Marcial Di Fonzo Bo / Elise Vigier - L'Entêtement / Maison des Arts Créteil / TGP-CDN de Saint-Denis / Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines

Paroles d'acteurs / Valérie Dréville - La Troade / Théâtre de l'Aquarium

***Rodrigo García - Gólgota picnic / Théâtre du Rond-Point


Romina Paula / El Silencio - El tiempo todo entero / Théâtre du Rond-Point


***Claude Régy - Brume de Dieu de Tarjei Vesaas / La Ménagerie de Verre ---> article ICI


***Nicolas Bouchaud / Eric Didry - La Loi du marcheur / Théâtre du Rond Point ---> article ICI

mercredi 11 mai 2011

Danse Delhi - Viripaev - Stoev


Création d'Ivan Viripaev, traduction Tania Moguilevskaia et Gilles Morel
Mise en scène Galin Stoev, Scenographie, vidéos etcostumes Saskia Louwaard et Katrijn Baeten
avec Fabrice Adde, Caroline Chaniolleau, Océane Mozas, Marie-Christine Orry, Anna Cervinka et Valentine Gérard

Au théâtre de la Colline du 4 mai au 1er juin 2011

Une série de 7 courtes scènes se succèdent, mêlant les mêmes personnages et les mêmes ressorts : un hôpital, un proche vient de mourir, des papiers à signer et de grosses interrogations sur l'existence. On fait connaissance de Katia une danseuse, d'Andreï son amant, de Valéria, de la mère de Katia, d'une infirmière et puis de la femme d'Andreï. Chacun tour à tour va mourir, et puis sera vivant dans la scène suivante et cela sera à son tour de perdre un proche. La pièce est très habilement construite sur la ritournelle, chaque personnage vivant ce que l'autre a vécu, lui empruntant même parfois ses mots. Pourtant on ne s'y perd pas. Mais outre ces tours de "passe-passe situationesques", de nombreux thèmes sont abordés et l'écriture de Viripaev est vraiment d'une grande qualité.

Tout d'abord cette fameuse danse Delhi que Katia a inventé après un séjour bouleversant en Inde, après avoir absorbé la souffrance qu'elle sentait chez les autres. Une danse où elle transforme la souffrance en art, où elle transmet l'état du monde et permet de mieux le regarder en face. Cette danse nous ne la verrons pas, elle restera dans les mots des personnages, ceux qui l'ont vue et qui en sont restés marqués à jamais. Les mots résonnent pourtant en nous, comme une description de tout geste artistique, le vecteur essentiel qui révèle autant qu'il soulage, qui émeut par la vérité qu'il transcende.

La mort ensuite présente comme souvent chez les russes concernant les sujets graves, traitée ici entre mélancolie insondable et rire fataliste. La mort des autres, la mort de ceux qu'on aime qui engendre une culpabilité immédiate et dont l'auteur suggère ici qu'elle est inutile, mais aussi sa propre mort. L'inévitable destin que nous avons tous est celui de mourir, et de réaliser que nous devons vivre d'ici là. Oui mais vivre quoi et comment ? Notre vie ou celle d'un étranger comme le souligne Valéria ?

Enfin, entre autres, une forme de lâcher prise presque bouddhiste nous est transmise au travers de la forme de sagesse qu'emprunte Katia. Ne pas s'acharner à chercher un coupable des choses, particulièrement celles auxquelles on ne peut rien, et remplacer ses sentiments sombres par de la compassion. Profiter de la vie avant la mort, de sa vie surtout, se la créer. La mise en scène est sobre et claire et permet au texte qui est mordant et précis de nous parvenir et les comédiens sont justes, ironiques à souhaits, pathétiques à leurs moments. Une spéciale dédicace à Marie Christine Orry que j'ai particulièrement appréciée et à l'infirmière jouée ce jour là par Anna Cervinka pleine d'entrain et de nuances. Je trouve juste que pour une pièce sur la danse et la transmission du corps des émotions, cela en manquait "de corps". La pièce et son traitement restent très cérébraux et les comédiens presque intellectuels. De ce fait on en ressort avec une vraie envie de connaître cet auteur à l'écriture si savoureuse, mais avec une envie de mise en scène plus vivante peut être. On y retrouvera ce qu'on aime chez les russes, une interrogation immense sur le fait de vivre et de vivre ensemble, une envie d'absolue réconciliation permanente entre les êtres et le monde.

"La danse Delhi, c'est d'abord une douleur immense, puis on l'accepte et finalement tout devient beauté..."

photo Elisabeth Carecchio

mercredi 4 mai 2011

Présentation de saison du T2G


Quelques mots sur la présentation de saison 2011 / 2012 du théâtre de Gennevilliers qui s'est déroulée le 27 avril. En introduction Pascal Rambert, directeur du théâtre.

Il souligne dès ses premiers mots que cela sera une saison "très française" mais qu'il s'agit plutôt d'une coïncidence. Tanguy Viel qui a écrit un petit texte pour chaque spectacle (dans l'agenda offert par le théâtre à se procurer d'urgence ICI), qualifie la saison dans "l'hyper présent" ce qui rebondit avec l'esprit contemporain et le désir de programmation de créations d'artistes vivants et écrivants. Pascal Rambert a ensuite souhaité que chacun s'exprime sur le spectacle qu'il prépare mais étant donné le délai de création encore à venir et l'état embryonnaire de certains projets, il a proposé à ceux qui le voulaient de parler d'avantage de leur manière de travailler.

Joris Lacoste : Prépare un "Vrai spectacle" qui est celui qui se déroule dans la tête des spectateurs. Un projet sous hypnose, un spectacle totalement "mental" qui sera dans l'imaginaire... Il a choisi le théâtre de Gennevilliers aussi pour le confort de ses fauteuils !

François Chaignaud et Cecilia Bengolea créeront un spectacle dansé dans les airs, suspendus à l'immense plafond du théâtre pour des spectateurs couchés au dessous d'eux...

Hubert Colas : un projet qui s'appelle pour le moment "Tout est bruit pour qui a peur" et qui traitera du thème de la peur dans nos sociétés actuelles, dans un monde qui prône la sécurité excessive et qui pourtant n'a jamais été aussi insécure.

François Tanguy : "Onzième" un titre qui ne veut rien dire de particulier comme il le souligne, cela tournera autour d'une rencontre, d'une promenade dans la forêt entre deux amis. Entre poésie et souvenirs.

Myriam Gourfink : prépare une "Lente mastication", un travail corporel et dansé sur le fait de mâcher, de mastiquer, de dévorer l'autre... De se savourer...

Oscar Bianchi et Joël Pommerat travaillent sur leur premier opéra en co-écriture "Thanks to my eyes", un opéra de chambre pour 13 musiciens, 4 chanteurs, un comédiens et un mime, et quelques touches de musique électronique.

Puis Pascal Rambert nous parle d'un autre aspect de sa démarche de directeur qui est aussi de faire connaître et travailler des artistes moins connus, étant donné la difficulté de créer et de montrer son travail aujourd'hui. Il compare cela à un travail éditorial, une ligne que l'on suit. Dans cette idée il propose le ReGen, une programmation de collectifs qui étaient passés au festival TJCC précédemment, en revenant ainsi avec plus de temps et plus de moyens.

Cette saison nous retrouverons donc :

Les Chiens de Navarre dans une nouvelle création. Comme le souligne le metteur en scène Jean-Christophe Meurisse, leur démarche consistant à travailler autour de l'improvisation, en préparation et sur le plateau, il lui est encore difficile de parler de ce qu'ils présenteront dans 10 mois. Mais ils travailleront toujours autour de leurs colères et obsessions et de leurs envies d'idioties, aborderont peut être les thèmes de la culture (entre rêve et cauchemar) et celui de la paranoïa (en citant Daniel Paul Shreber).

Das Plateau travaille sur un texte de leur auteur "Notre printemps" sur l'amour d'une femme pour son enfant et le décès de son mari, un projet qui sera également filmé en court métrage. Une envie de "creuser dans l'humain, jusqu'aux mots n'étant plus qu'un magma au coeur des choses".

IRMAR : Institut de recherche ne menant à rien continueront leur travail sur le son et les objets, et "se concentrer sur le rien qui peut être possiblement vivant".

Se déroulera comme tous les ans en fin de saison le festival TJCC autour des très jeunes compagnies, et le plasticien Felice Varini arpentera les rues de Gennevilliers pour traduire ses visions en créations.

Pascal Rambert a conclu avec quelques mots sur sa propre création "Clôture de l'amour" qui comme son titre l'indique parle de la fin d'un amour entre deux êtres, un spectacle présenté au festival d'Avignon 2011 et qui est "assez dur" comme le souligne son auteur. On y retrouvera Stanislas Nordey et Audrey Bonnet.

Personnellement je trouve cette saison alléchante, outre les projets originaux qui tendent à déplacer l'endroit où cela vibre chez le spectateur en agissant directement sur le corps comme avec Joris Lacoste ou François Chaignaud, j'aurai plaisir à suivre les turbulences des Chiens de Navarre qui pour moi sont les plus audacieux des créateurs contemporains pour leur travail sur l'acteur et l'immédiat. Je suis impatiente aussi de découvrir le prochain Hubert Colas car j'adore son travail toujours fin, intelligent et d'une grande richesse tant visuelle qu'humaine. Bien sûr un texte de Pascal Rambert joué par Stanislas Nordey ne peut être qu'un grand moment, et encore un Pommerat pour 2011/2012 c'est que du bonheur.

Belle programmation donc dont j'avais envie de parler, décidément le T2G est pour moi un haut lieu de création, mêlant audace et qualité.

Plus d'infos sur la saison ICI.

Anciens articles sur Les Chiens de Navarre ICI et LA et encore LA
Sur Hubert Colas ICI et LA




mardi 3 mai 2011

Big Bang - Quesne

Reprise de Big Bang de Philippe Quesne
article ici LIEN

à ne pas rater le 6 mai à 20h au théâtre de l'Agora d'Evry

mercredi 6 avril 2011

Pour l'Amour de Gerard Philipe - Pierre Notte

mise en scène, texte, scénographie et musique Pierre Notte
avec Bernard Alane, Romain Apelbaum, Sophie Arthur, Emma de Caunes, Raphaël
au théâtre de la Bruyère jusqu'au 9 avril 2011

C'est un joli conte pour adulte que nous présente Pierre Notte avec son écriture enchanteresse, faite d'humour, de rêverie et de vérités saupoudrées l'air de rien.
Charles, ou plutôt, Fanfan, enfin Philippe Gérard, est un petit garçon qui naît d'un couple qui vénère l'un le Général de Gaulle, l'autre Gérard Philipe et le Che. Autant de disparités que d'humeurs diverses accueillent ce bébé qui n'a qu'un doigt à chaque main. Les deux parents veulent faire de lui un être d'exception et c'est pour cela qu'il le nomme avec les prénoms de leurs idoles... Mais le père, un peu rêveur, un peu peureux, meurt brutalement, laissant le petit garçon dans les griffes d'une mère étouffante.

Adulte Philippe Gérard cache bien des secrets et décide de partir et quitter cette mère qui voulant faire de lui quelqu'un, est en train de tuer sa personnalité. S'ensuit une quête initiatique d'un jeune homme qui se cherche et qui va se trouver et se réaliser, parmi les saltimbanques et les monstres de cirque.

La mise en scène est comme l'écriture, pleine de surprises et de candeur, ce qui donne un effet de légèreté. Les comédiens sont justes et drôles, particulièrement le couple de parents qui se déchirent gentiment pendant toute la pièce. Raphaël qui fait ici ses premiers pas apporte ce qu'il faut de naïveté à son personnage, et même si l'on sent son manque d'expérience, il a su se trouver une voix et un ton à lui.
Un bon moment dont on repart avec quelques étoiles dans les yeux et l'envie de n'écouter que son coeur pour devenir qui l'on est.

lundi 21 mars 2011

La nuit des Rois - Shakespeare - Rabeux

mise en scène et adaptation Jean Michel Rabeux
avec Hubertus Biermann, Patrice Botella, Bénédicte Cerutti, Corinne Cicolari, Claude Degliame, Georges Edmont, Géraldine Martineau, Gilles Ostrowsky, Vimala Pons, Christophe Sauger, Eram Sobhani et Seb Martel
scénographie Pierre André Weitz
à la MC 93 de Bobigny jusqu'au 3 avril 2011

photo Ronan Thenadey site : www.ronanthenadey.com


Ebouriffant !
Après le Cauchemar écrit et monté par Monsieur Rabeux la saison dernière, l'on conçoit aisément que ce dernier ainsi que ses comédiens fétiches, aient eu envie si ce n'est besoin, de rire et de burlesque. La pièce "12 nights or what you will" n'en est pas moins profonde, comme toujours chez Shakespeare, même dans la plus grande bouffonnerie, la gravité du propos demeure. Cela commence par un naufrage, ainsi va la vie n'est-ce pas ? où Viola et Sébastien deux jumeaux très attachés, croient en la mort de l'autre. Désespérée, Viola décide de se grimer en homme et entre au service du Duc Orsino en tant que page. Ce dernier très épris d'Olivia, demande à son page de lui servir d'intermédiaire. Olivia à son tour tombe amoureuse de ce page qu'elle prend pour un homme. Et comme un trio amoureux est encore plus savoureux, Viola devenue Cesario s'éprend de son maître le Duc. A côté de ce trio infernal qui souffre d'un amour sans retour, s'amusent et se déchire l'entourage : le fou, le sage, l'oncle et la dame de compagnie d'Olivia, ainsi qu'un prétendant d'Olivia, Sir Andrew un peu stupide.

Ce qui est ébouriffant, c'est que tout virevolte pour notre plus grand bonheur. Le texte bien entendu est savoureux dans son essence : l'amour et sa compagne la souffrance, la cocasserie des situations, l'ironie permanente de Shakespeare en miroir à l'ironie de la vie. Le talent de l'auteur, qui n'est plus à démontrer est ici sublimé par l'adaptation de Jean-Michel Rabeux qui a modernisé les paroles, les injures, les plaisanteries, les tournures de phrases parfois en anglais sont d'autant plus vivantes, et nous attrapent d'avantage dans les méandres voulues. Les comédiens sont tous justes et doués dans l'humour et la dérision de soi. Chacun dans son registre, chacun gardant sa couleur, sa touche, comme autant de masques donnés au propos de Shakespeare, les mille facettes de leurs costumes, les mille visages peints sur le décor, arlequins de théâtre. C'est la force d'un metteur en scène qui sait regrouper des talents divers et qui offre la liberté qu'il faut pour se réaliser à l'intérieur de sa création. Ainsi le virtuose Gilles Ostrowski excelle dans la bouffonnerie la plus pure, tandis qu'une Vimala Pons toujours d'une précision incroyable jongle avec la souffrance, l'ironie et la stupeur avec autant de nuances que Shakespeare en met dans le propos, Claude Degliame semble saoûle tout du long de la pièce aviné qu'est son personnage masculin, Eram Sobhani est un noir très convainquant qui crie à l'injustice du monde et de l'amour, Georges Edmont est fabuleux en folle-fou du roi, plus sage que fou, et le sage joué par Christophe Sauger semble plutôt fou sur talon haut qui esquisse une passe de basket pour les yeux de sa belle... Tout est à l'avenant, tous les personnages sont savoureux, de délicate drôlerie et de juste folie.

Tout ceci se joue aussi en musique, chacun se posant sur un petit escalier témoin lorsqu'il n'est pas sur le plateau, et s'empare éventuellement d'un instrument. La jolie voix de Corinne Cicolari, bien rock n'roll, ou bluesy retentit et tout le monde s'ébranle et chante en choeur, au rythme de la guitare de Seb Martel. Les chansons adoucissent les moeurs ou les enchaînent, bien d'aujourd'hui ou à peine d'hier, elles résonnent au corps et au coeur. Cela participe du virevoltage dans lequel nous sommes entraînés, carnaval déjanté, ou nuit des rois de la nuit, de la 12e nuit après la naissance du Christ ou tout est permis comme le souligne le sous-titre "what you will" !

Après l'alcool et le rock n'roll, bien sûr c'est l'éros qui est à l'honneur. Outre l'amour, dont il est pourvu, le sexe est présent dans cette pièce de part le travestissement de Viola, sublimé et encensé encore une fois par le metteur en scène qui propose d'autres échanges de sexes. Histoire de brouiller les cartes, les humeurs et les genres, parce que sinon tout est trop simple. Alors on s'embrasse à pleine bouche, on se travestit, on se touche, on se montre, on se séduit, ou pas. Des gros mots gras se font entendre, aussi bousculants qu'insérés, ils ne gênent pas plus l'oreille que celui qui serait offusqué par les travestis. Un peu provoquant, à peine, mais nous sommes plus du côté de l'érotisme doucereux, que de celui du shocking dear... Bref, les enfants peuvent y aller !

Et pendant ce temps le mur de tôle orange circule entre les mains des comédiens, comme s'ils poussaient leurs destins autant que les lieux, se cachant parfois ou au contraire attendant leur tour de jeu, comme un tour de manège dans lequel il nous faut monter au plus vite, fous que nous sommes. Bien sûr la pièce n'est pas que drôle, et le texte qui nous parvient parfaitement car il sait se faire entendre et se dire, est plein de sous parties et de sujets à réflexion, et autant de pauses dans le rire, nous permettent aussi de réfléchir. C'est le théâtre parfait de Shakespeare !

Voilà ce n'est pas une critique c'est un éloge, comme toujours avec moi pour ce metteur en scène qui décidément, a tout compris au cauchemar, mais aussi à Shakespeare, car il semble à mes yeux que nous y sommes enfin, main dans la main avec tout ce qu'il essayait de mettre en même temps dans ses pièces : la démesure dans les extrêmes mais maîtrisée afin que nous comprenions le propos, l'humour et l'ironie de la vie, la fête et la tentative d'oublier les douleurs, la mesquinerie des humains mais aussi leur incroyable capacité d'aimer à la folie, la sexualité toujours ambigüe, et l'espoir dans le désespoir. Du vrai Shakespeare, enfin...

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jeudi 3 mars 2011

Ma chambre froide - Pommerat

Création de Joël Pommerat
avec Jacob Ahrend, Saadia Bentaëb, Lionel Codino, Ruth Olaizola, Frédéric Laurent, Serge Larivière, Marie Piemontese, Nathalie Rjewsky et Dominique Tack
Scénographie et lumières Eric Soyer
du 2 au 27 mars au théâtre de l'Odéon (Berthier)

Le beau pari est relevé, une création par an pour la compagnie Louis Brouillard et son metteur en scène, après une saison de résidence au théâtre de l'Odéon, haut la main. Voici un conte pour adultes, après les deux contes pour enfants que Joël Pommerat a mis en scène cette saison. Un conte entre onirisme et réalité sociale, mais toujours avec l'idée de parcours de vie au cours duquel on essaye de changer, de se révéler. Estelle travaille dans un magasin et est très dévouée à ses collègues, souvent c'est elle qui fait les remplacements ou qui prête de l'argent. Et puis il y a ce patron, si injuste qui crie sur tout le monde, et qui un jour va voir sa vie chamboulée. De ce retournement de situation, va découler l'avenir de tous les protagonistes, et chacun va réagir à sa manière devant de nouvelles responsabilités. Estelle au coeur de la tempête se révèlera comme certains, totalement à l'opposée de ce que l'on imaginait d'elle.

Ce conte est à rebondissements, tout en cut et en noirs, dans la tradition des pièces de théâtre-film de Pommerat. Il exerce comme un montage de situations qui s'opèrent plus ou moins vite, et nous entraîne dans un rythme particulier, ébouriffant. Dans la noirceur cependant on rit beaucoup, les comédiens sont d'une précision d'orfèvre et d'une grande proximité. Le dispositif scénique est créé pour, tout opère pour nous englober dans l'univers et l'histoire, pour une fois très linéaire ici racontée.

Ici ce qui est si plaisant c'est que l'on approche une perfection dans la recherche. Les comédiens sont d'une justesse qui se rapproche d'un documentaire à la StripTease rendant leurs parcours très réalistes, et gommant l'effet théâtre, parfois si éloigné de la vie. La mise en scène et la scénographie, comme les images oniriques de Pommerat ou la musique parfaitement adaptée créent pour nous une bulle de rêve dans laquelle on se laisse emporter. Le texte est à la fois riche et accessible, narratif et rempli de messages sujets à réflexion, qui arrive à nous toucher vraiment... Bref, sans doute beaucoup de travail pour arriver à ce résultat, ainsi que des années d'expérience et une troupe qui se connait bien. Il est à saluer ce résultat, il faut aller voir du théâtre comme ça, où tout les protagonistes se donnent complètement et permettent que nous repartions les poches pleines, les yeux brillants, après un véritable don, de quoi réfléchir et peut être regarder le monde autrement, ce qui se fait rare de nos jours. Du boulot et du théâtre généreux que diable ! Ca suffit la flemme et l'a peu près des salles qui se remplissent de spectateurs peu exigeants devant des spectacles baclés !
Allez-y...!
photo Alain Fonteray

lundi 17 janvier 2011

L'avenir, seulement - Bertholet

Texte et mise en scène Mathieu Bertholet
avec Fréderic Baron, Léonard Bertholet, Valentin de Carbonnières, Blandine Costaz, Baptiste Coustenoble, Thibaut Evrard, Roberto Garieri, Fred Jacot-Guillarmod, Nissa Kashani, Nora Steinig et Catherine Travelletti.
Scénographie Sylvie Kleiber
Au théâtre de Gennevilliers du 13 au 29 janvier 2011

Rosa Luxembourg et un garde entrent sur le demi plateau du théâtre et échangent quelques mots sur sa captivité. Puis le garde sort et le plateau s'ouvre sur l'immensité d'un plateau complet, et dans une brume opaque, apparaissent tous les comédiens à de petites tables éclairées à cour pour nous, mais tout au fond une autre rangée de spectateurs apparaît en miroir de la notre. L'espace est ainsi totalement troublé et troublant. On réalise rapidement que tous les personnages sont incarnés à tour de rôles, que personne n'est quelqu'un en particulier, que tout le monde peut être tout le monde. Le texte découpé en tranches numérotées (488 au total et chaque comédien en connaît 150) n'est pas énoncé chronologiquement et l'on retrouve des moments de la vie de Rosa Luxembourg, en détention, chez des amis, libérée, avant sa mort, avant sa détention... Chaque comédien annonce le numéro de la séquence qui va être dite et parfois l'enchaîne, ou la souffle à un autre comédien. Pendant ce temps tous arpentent l'immense plateau d'un bout à l'autre en continu, montent les escaliers entre les spectateurs et redescendent pour re circuler.

Photo Marc Domage

Dans ce bouillonnement, les comédiens sortent parfois de la déambulation pour aller consulter les fiches sur les tables, ou échanger deux mots avec le metteur en scène qui est présent tout du long. Ils changent aussi de costumes, ou vont entrer en gestes sur le chemin. Peu à peu le texte, la parole laissent place à la danse, aux mouvements. Le propos se perd, mais il n'est pas central. Tout est déconstruit dans ce travail assez jubilatoire de Mathieu Bertholet. L'on ne peut s'accrocher à rien et l'on ne peut qu'accepter de se laisser emporter. Ou pas, car certains spectateurs sortent, ce qui peut être l'apanage des très bons spectacles. Cette tentative de perdition des sens et des repères, les comédiens très en distanciation, le texte découpé, soufflé, parfois pas entendu, parfois répété en écho grâce à des micros, réussit à nous rapprocher de l'expérience sensorielle et nous oblige à nous dégager du sens des mots. En cela le travail est vraiment réussi et nous nous laissons porter par les gestes et les sensations. Cela m'a paru un peu Brechtien sur quelques aspects, la perte de notion de personnage et d'illusion théâtrale, le désir de nous laisser nous approprier le message en sortant du psychologique, l'aspect épique même si l'on est sorti de la narration pure.

Photo Marc Domage

Se pose ici aussi la question de la liberté de l'acteur à qui l'on laisse le soin de choisir les passages qu'il joue. Dans un terrain qui semble infini de possibilités dans lequel nous essayons de nous glisser, tout semble malgré tout avoir été hautement préparé, chorégraphié, beaucoup de travail en amont sur les textes, rien n'est vraiment laissé au hasard et c'est cette grande maîtrise qui rend ce marathon possible. Nous ne sommes pas forcément habitués à ce genre de liberté là, qui nous en donne aussi, un peu comme chez Régy où le spectateur ne peut pas être passif. Dans ce tourbillon on a presque envie de les rejoindre, d'aller danser notre révolte avec eux, de prendre des bouts de textes et de les dire et de les vivre et de les vibrer... C'est une véritable invitation dans le dynamisme politique et dans l'adversité que l'on ressent. Je regrette juste cette dilution du texte qui s'opère au fur et à mesure car il me semblait assez fort et face à la profusion des propositions, il est vrai qu'on a des difficultés à le suivre. Or la beauté du combat de Rosa Luxembourg et de ses proches est vraiment encore "entendable" aujourd'hui comme disait Lew (par Mathieu Bertholet) "nos histoires personnelles ? Dans un tel moment de l'histoire...?!" L'expérience finit par se centrer un peu sur elle-même et perdre les idées transportées par le texte.

Une expérience théâtrale très intense s'il en est, à aller découvrir dans ce lieu de toutes les audaces, qu'est le théâtre de Gennevilliers.

samedi 15 janvier 2011

Les traducteurs - Conférence Régy - Boyer


Claude Régy - Régis Boyer

En cet après-midi ensoleillé, les gens se ruent et dévalisent le magasin d'écrans plats qui se trouve face à la Ménagerie de Verre, soldes obligent. Et pendant ce temps, nous nous délectons d'une petite conférence organisée par la Mel (Maison des écrivains et de la littérature) avec Claude Régy qui met en scène ces jours-ci Brume de Dieu, des extraits des Oiseaux de Tarjei Vesaas, traduit du néo norvégien par Régis Boyer. Et nous buvons les paroles passionnantes de ces deux hommes qui se rencontrent pour la première fois et qui partagent le même amour des mots, de la littérature et de tout ce qui se trouve au-delà.

Tout d'abord un peu d'histoire et je ne résiste pas à vous faire partager ce que j'ai appris : la Norvège a connu un âge d'or au XIIe siècle et fut ensuite colonisée jusqu'à la fin du XIXe quand même, par le Danemark. De ce fait la langue norvégienne a quasiment disparu, pour laisser la place à une langue issue d'un mélange danois et ancien-norvégien. Il reste des vestiges de la langue norvégienne d'origine dans l'islandais. Au début du siècle dernier à la libération de la Norvège, il fut tenté de retrouver cette langue et est née une sorte de néo-norvégien, issus de l'association de plusieurs dialectes et d'étude de l'islandais. Tarjei Vesaas a choisi d'écrire dans cette langue ainsi (re)créée. On retrouve donc dans la langue, mais aussi dans la pensée qui l'accompagne, la crainte, ou l'assurance, d'être incompris.

Claude Régy parsème l'histoire et les explications si intéressantes de Régis Boyer de son désir aujourd'hui de travailler en "s'éloignant du théâtre" pour se rapprocher encore plus du texte et de travailler à faire entendre ce qui est "en deçà du langage mais aussi au delà". Et il cite Nathalie Sarraute qui parlait de la création littéraire comme une tentative de faire éclore pour les autres "des parcelles de réalité inconnue". C'est ce qui se trouve en dehors des mots, un langage codé d'entre les lignes qu'il essaye de faire ressortir avec le comédien. Et Régis Boyer de rebondir sur la culture scandinave si éloignée de la notre finalement. Il nous explique que les norvégiens particulièrement sont capables de rester totalement silencieux, même s'ils vous ont invité à dîner. Il y a comme une pensée qui existe en dehors de la parole mais se pose alors la question "à qui on parle quand on pense ?", comme l'on peut dire "à qui l'on parle quand on écrit ?". Autant de questions soulevées malicieusement et dont les réponses énigmatiques satisfont totalement les deux intervenants.

Régis Boyer de continuer sur la culture de ces pays du nord, comme leur rapport très important avec la nature, et le fait qu'ils ne sont pas très à l'aise dans l'abstrait. Mais dans cette connexion à la nature il y a quand même une grande part accordée justement à tout ce qui est "caché derrière". Mathis le héros des Oiseaux de Tarjei Vesaas est considéré comme légèrement attardé mental mais en fait il est d'autant plus en lien avec ce qui l'entoure, lui qui peut lire les "hiéroglyphes" laissés par les pas des bécasses dans la boue. Enfin Régis Boyer nous parle de la lumière, celle qui laisse le jour durer pendant des nuits, qui abolit le temps et les distances et qui place forcément dans un autre rapport au réel. Un peuple peu atteint par le christianisme mais plus proche des origines païennes du culte de Gaia, qui considère la mort comme un changement d'état, ni plus ni moins. Alors cela donne une littérature plein de recoins à découvrir, de contemplation et de secrets, qu'il est bon de s'approprier, d'humain à humain. Claude Régy conclura en expliquant le titre qu'il a donné à ces extraits Brume de Dieu, comme étant une recherche de clarté au delà du brouillard...

Merci à eux et à la Mel pour ce très bon moment plein de paillettes de neige dans les yeux...