mercredi 30 juin 2010

Polémique ?

Un petit article à plusieurs mains dans la rubrique "ça pique ça pique !"

Plusieurs bloggeurs discutent du film du théâtre de Gennevilliers...

à suivre !

mardi 29 juin 2010

Portrait : Les chiens de Navarre, collectif mis en scène par Jean-Christophe Meurisse.

Début d’après-midi, petit café à Bastille, je retrouve Jean-Christophe Meurisse accompagné d’Anne-Elodie Sorlin pour en savoir un peu plus sur leur travail, leur démarche, et dresser un petit portrait de ce collectif bien singulier.

Des amis dont le travail évolue ensemble…

A l’origine un groupe d’amis, qui se connaissent maintenant depuis une quinzaine d’années, réunis autour de Jean-Christophe Meurisse et de ses écrits, et puis rapidement, une autre forme s’impose : «Un jour pendant une répète j’ai demandé à deux comédiens d’improviser autour du texte, et c’est parti de là... La troisième création qu’on a faite s’est montée d’après mon écriture, mais plus du tout figée, les acteurs improvisaient...» Le travail évolue donc au rythme des répétitions, Jean-Christophe apporte une idée, un désir, une matière et quelques accessoires, parfois un peu d’écrits et cela se construit autour « on se connaît depuis longtemps, on a des goûts en commun, on ri des mêmes choses, on a les mêmes envies, mais malgré tout chacun a un égo, mais à un niveau intelligent et comme on se connaît bien, on ne se blesse pas… ». Le résultat donne un troublion de pièce, aux voix multiples et d’une grande drôlerie, qui décrit si admirablement notre vie de tous les jours, grincements de dents compris.

Le texte devient accessoire, l’acteur créateur placé au centre du projet.

Une véritable envie de mettre l’acteur au centre de la création et non plus comme interprète d’un texte. «C’est aussi donner la possibilité à l’acteur de venir avec son regard critique sur le monde, avec sa pensée, et ça devient sa matière première pour travailler.» rajoute Anne-Elodie. Cela devient un dispositif artistique, une position de l’artiste dans sa performance. «Un travail d’acteur qui a une conscience ne peut se faire que sans texte (...) cette liberté ne peut exister que dans un endroit où il n’y a pas d’écriture figée.» continue Jean-Christophe, «même si j’aime le texte et la poésie, mais le texte devient un accessoire comme un autre dans le spectacle. »

Bien sûr les créations des Chiens de Navarre sont pleines de paroles et les comédiens d’expriment sans cesse, il ne s’agit pas d’un travail éloigné du langage au contraire. Mais la parole s’est appropriée et ainsi en devient d’autant plus vivante. Ils utilisent également le gimmick de la répétition, comme un retour de l’idée systématique. Et là nous comprenons que malgré l’immédiateté qui nous semble si naturelle dans leurs échanges, nous ne sommes plus dans un travail d’improvisation. « C’est une amie qui m’avait dit cette phrase de Karl Marx qui m’a vraiment marqué : l’histoire ne se répète pas, elle bégaie, la répétition c’est un truc qui revient souvent dans nos créations, la machine qui s’enraye… » explique Jean-Christophe et cela fonctionne parfaitement, surtout que les thèmes abordés sont éminemment politiques, sous des couverts de conversation de la vie quotidienne.

La matière de la conversation, du rythme et de l’espace

« Nous utilisons la matière des conversations ordinaires, vides, creuses, qui transpirent plein de choses… des peurs… mais de ce fait il s’opère une identification, chacun s’est retrouvé aussi dans ces situations. On aime cette matière ordinaire, le vide, le rien… le cliché, c’est un bon point de départ » raconte Jean-Christophe et il est vrai que même si ces personnages nous répugnent, nous finissons par nous y attacher. « on travaille aussi sur le rythme et pour ça Jean-Christophe est un comme un chef d’orchestre. Lui sait quand il faut s’arrêter ou ce qu’on doit garder, il a un vrai talent pour ça… » rajoute Anne-Elodie, « pour nous quand ça sonne « faux » c’est que c’est bon, c’est ça ! » continue-t-elle, c’est un travail aussi d’écoute, qui demande une véritable attention des uns et des autres que l’on ressent en effet très bien lorsqu’on voit leur spectacle. De même l’espace, le lieu de représentation est utilisé et peut être une matière d’inspiration pour ces créateurs. Lors de leur dernière forme, ils ont même utilisé les dates de représentation et leur sens. « L’épopée des dates » se jouera un 11 novembre ? Qu’à cela ne tienne, ils parleront de l’armistice. Puis le spectacle évolue avec les dates… « Je ne suis pas scénographe, mais j’utilise un maximum l’espace qui nous est donné. Comme Bansky ce grapheur qui crée selon l’endroit où il est, il a fait une Joconde-PacMan à Paris, et bien nous c’est pareil, on monte un projet sur le présent géographique et politique… ».

Du théâtre politique ?

Alors la question qui se pose pour moi immédiatement c’est leur rapport au politique et quelle est leur recherche, leur positionnement car il me semble que leur travail est plein de messages fondamentaux sur le « vivre ensemble ». « C’est peut-être du théâtre politique mais sans être didactique alors… » commence Anne-Elodie « On a créé notre premier spectacle avec rien, aujourd’hui on reste sur la pensée de départ et ça c’est politique. On ne va pas faire semblant d’avoir de l’argent, mais on continue à faire des spectacles comme avant, avec un acteur… une chaise… ce rien nous a façonné un esprit , une vision .... et l'on tient à être fidèle à cette origine. Il n’y a rien de plus politique que ça… de toute façon quand on essaye de placer sa pensée sur le monde c’est politique et puis au début on était très très en colère, tous, quand on s’est rencontré… ». Une manière de mettre en scène le quotidien que cela soit avec des personnages, ou avec sa matière d’acteur ou encore comme artiste, le discours sous-jacent, l’énergie et la manière de ces « Chiens de Navarre » est éminemment engagée. Jean-Christophe rajoute « Ca peut être vu comme une vision très noire, moi j’ai une volonté d’unisson mais dès qu’il y en a un qui s’exprime, il est rejeté. Mais dans la vraie vie, j’ai pas une vision si négative que ça… ! »

Nous finissons notre entretien sur le plaisir cathartique de dire « des insanités juste parce qu’on n’a pas le droit de les dire aujourd’hui » pour les comédiens comme pour les spectateurs, si soulageant dans une France où la liberté d’expression n’est pas si admise que cela. On le voit de plus en plus, là où un discours commun est de mise, les voix diverses ne s’entendent plus. « Mais on est comme ça, et dans la vie on est incapable d’être sérieux dans un dîner plus de 5 minutes !! Tout ça vient de la vie finalement… » s’exclame Anne-Elodie.

Voilà un collectif bien dynamique et dont l’ambition est aussi de faire venir au théâtre ce qui n’y vont pas (plus) et tel un miroir du vivant, faire ressortir des voix intérieures, des échanges humains tels que nous les vivons. A suivre donc absolument, pour se (re)faire un regard et une oreille, du théâtre contemporain et explosif comme on l’aime !

Prochaines dates : à Beaubourg en septembre 2010

http://www.chiensdenavarre.com/lapageacceuil.html

jeudi 24 juin 2010

Un efficace Combat de Nègre et de chiens

"Combat de Nègre et de chiens"
de Bernard-Marie Koltès
Théâtre de la Colline du 26 mai au 25 juin 2010
Mise en scène Michael Thalheimer
Avec : Jean-Baptiste Anoumon, Cécile Coustillac, Claude Duparfait et Charlie Nelson.
Le Chœur : Alain-Joël Abie, Bandiougou Baya, Kaba Baya, Thomas Durcudoy, Kalifa Gadenga, Franck Milla, Paul Angelin N’Gbandjui, Henri Nlend, Abdourahman Tamoura et Camille Tanoh.
Scénographie Olaf Altmann


Le rideau se lève sur un plateau transformé en immense boite de métal, rappelant les murs préfabriqués des cabanes de chantier. Une rambarde en fait le tour et le sol descend en contrebas. On ressent tout de suite une sensation de vertige. Dans l’obscurité de la première scène, on distingue à peine des ombres debout, une femme assise, un homme en bas.


(photo du livret Elisabeth Carecchio)

Un autre dans la lumière patiente en sirotant un whisky. C’est Horn, chef de chantier qui attend que sa future femme fraîchement débarquée de Paris dans cette Afrique mystérieuse, défasse ses valises et lui livre ses premières impressions.
Il s’impatiente et perçoit dans le noir, une silhouette qui observe. C’est Alboury, l’africain, venu récupérer le corps de son frère, tué sur le chantier. Quand Alboury parle, un chœur d’hommes « africains » parlent avec lui, ils sont dix, sur le plateau, ils sont mille dans les cœurs. Le résultat de toutes ces voix d’hommes sourdes et profondes et magnifique. Toute l’Afrique s’exprime en Alboury, tous les peuples qui ont « froid ». On est saisi par la simplicité et l’efficacité de l’image… La parole magnifique de Koltès, devient essentielle… Alboury expose, explique pourquoi il lui est si indispensable de récupérer ce corps, comment ils se tiennent chaud, eux qui malgré l’Afrique, ont si froid. Et Horn tente de comprendre, à demi. Horn qui d’un autre côté, doit s’occuper de celui qui a tué, Cal, joué ici par Claude Duparfait, exceptionnel (il a repris le rôle en 4 jours après la blessure de Stefan Konarske initialement programmé).
Cal l’ouvrier amoureux de son chien, qui ne peut pas s’empêcher de tirer quand il sent une menace, de vider la gachette et de traîner le corps encore et encore, pour soulager ce qui le brûle en dedans.

Et puis soudain Léone, la promise d’Horn, sort de sa chambre et découvre Cal, qui la malmène, lui montrant son désir d’homme trop longtemps esseulé. Puis elle rencontre Alboury et tombe amoureuse de lui, de sa différence, de son âme au delà des cultures. La comédienne se peint tout en noir et se jette à corps perdu sur cet homme, venu chercher le cadavre de son frère.
Le texte est magnifique, chaque être semble dans une profonde solitude, thème cher à Koltès, la confrontation des humains appartenant à des univers si différents et qui pourtant se côtoient, dépendant les uns des autres.

La mise en scène de Thalheimer est d’une redoutable efficacité, tout est épuré et direct, précis comme cette écriture sans fard. Les comédiens sont exacts et fougueux et Claude Duparfait réalise une belle performance, apporte ce qu’il faut de folie et de malsain.

Couvert de boue, Cal finit par se faire tuer par Alboury craignant pour sa peau. Horn fou de colère contre Léone la repousse alors qu’elle tente de se tuer, rejetée par Alboury. Finalement personne ne se sera compris car, on le sait c’est d’une douce utopie. On peut vivre les uns contre les autres et être encore plus étranger à soi-même. Chacun fait comme il peut avec sa propre folie, et essaye de se faire entendre de l’autre, sans y parvenir. Au-delà de l’Afrique cette pièce nous parle de nous-mêmes, et de notre rapport à l’autre. Et ce n’est pas un texte sur la tolérance ou l’immigration, mais qui met en lumière la réelle impossibilité de se comprendre. Mais peut-être est-ce en observant cela que l’on peut finalement parvenir à s’accepter.

mardi 22 juin 2010

Tempête - Brook

"Tempête !"
d'après William Shakespeare
mise en scène et adaptation : Irina Brook
théâtre des bouffes du nord du 26 mai au 19 juin 2010
avec : Hovnatan Avedikian, Renato Giuliani, Scott Koehler, Bartlomiej Soroczynski et Ysmahane Yaqini
scénographie Noëlle Ginefri


Cela commence par de mauvaises conditions : des étudiants allemands bruyants, des touristes qui parlent et prennent des photos tout du long du spectacle, des enfants turbulents dans l'orchestre, me voilà mal entourée. Mais d'emblée j'aime le décor de bric et de broc du plateau, et tente de me concentrer du haut de ma place au balcon 1. Au bout de quelques minutes ça continue un peu péniblement pour moi car, outre les inconvénients décris ci-dessus, je découvre que quasiment tous les comédiens ont un accent assez prononcés lorsqu'ils parlent en français et cela rend la compréhension parfois limite. Nous sommes donc malgré tout face à une adaptation de la "Tempête" de Shakespeare, version pizzaïolo italien pour Prospero au lieu du duc de Naples. C'est assez original et nous voici partis pour deux heures et demie d'une vision plus que personnelle de la pièce.

Assez rapidement je me suis sentie mitigée face à cette proposition. D'un côté je trouve qu'Irina Brook a respecté ce que j'imagine de l'ambiance des pièces de Shakespeare, jouées à l'époque de leur auteur : du burlesque, du grotesque, du turbulent... Ca court partout avec beaucoup d'énergie, le public s'esclaffe, l'histoire virevolte, les répliques s'enroulent autour de notre imaginaire, le spectacle est populaire et joyeux, aux bons sens des termes. Les mêmes comédiens sont utilisés pour faire plusieurs personnages, ce qui rajoute encore du rythme, comme sans doute aussi à l'époque. Entre ici où là quelques notes nostalgiques et des messages à caractères informatifs (l'esclavage, la rédemption, les rites initiatiques, le pardon...) histoire que nous ne soyons pas venus pour rien, une bonne dose de rire (un gag toutes les 10 secondes), de l'émotion et de l'éducation. Bref une affaire qui roule ! Tout ceci adapté à notre époque ce que je trouve malin, je préfère Shakespeare comme ça, qu'empaillé.

D'un autre côté j'ai regretté que cette pièce magnifique en devienne quelque chose de très explicatif, de très souligné. Comme un spectacle pour enfant où tout est dans le démonstratif (on utilise des légumes pour faire des personnages absents, on mime ce qu'on raconte avec des comédiens pastichés etc.) ce qui explique d'ailleurs autant de public étranger et d'enfants dans la salle. J'ai trouvé les "gags" assez peu fins (je mets tout et n'importe quoi dans la marmite et un plat magnifique en sort...) du genre guignol et souvent prévus pour ne fonctionner que pour l'orchestre (aux étages on ne voyait pas les jeux de vues... ), et les tours de magie à la Garcimore, avec l'accent s'il vous plait, m'ont à peine fait sourire. Au final les comédiens très vigoureux sont tout le temps en force, et la magie de l'histoire en devient de la prestidigitation... Sans doute pas vraiment mon humour mais je dois reconnaître que le public s'amusait beaucoup et c'est l'essentiel.

Une jolie tentative populaire, qui sert d'un côté Shakespeare au sens concret de ses formes théâtrales, mais qui pour moi manque de sens profond et poétique de l'autre. Les réflexions plus philosophiques et spirituelles que j'aime beaucoup dans la pièce originale sont relégués au second plan, et il ne reste à mon goût plus grand chose de la poésie et de la rêverie si attachée à l'auteur...

(sorry j'ai volé une photo mais comme tout le monde en faisait...)