mercredi 28 juillet 2010

Avignon - Yves-Noël Genod

« Le Parc intérieur »

Variations sur « Venus et Adonis » de Shakespeare

d'Yves-Noël Genod

Voici un spectacle bien singulier et personnel, qui ressemble tellement à son performeur.

Nous sommes accueillis par du champagne et cela c’est la gentillesse et la générosité d’Yves-Noël Genod, qui ne manque pas de culot non plus, dans la société ou l’argent fait tout et dans un festival au In si cher, il s’offre le luxe de nous inviter. Le b.a. ba du théâtre, la gratuité, et si l’on a aimé, on peut donner à la fin, dans le chapeau. La beauté du geste. Le geste commun, celui de l’artiste et celui du spectateur ravi (ou pas ?). Impossible de ne pas l’être ! Tout le monde a aimé et encensé ce spectacle. La presse en a parlé partout, et tant mieux, Yves-Noël a fait salle comble et c’est une bonne chose. Car il faut tirer son épingle de l’écheveau inouï des 1000 spectacles du OFF d’Avignon… Pari réussi pour cet instant en tête à tête avec ce brillant comédien, metteur en scène qui nous raconte tel un conteur des anciens temps, ou tel un prof passionné par l’œuvre, l’histoire de Venus et Adonis. J’avais déjà chroniqué la version plus courte qu’il en avait fait à Gennevilliers (Ici), et j’ai retrouvé le plaisir d’écouter le texte, rentrer totalement à l’intérieur, et observer les milliers d’images qu’Yves-Noël réussi à faire surgir sous nos yeux. Véritable vie qui se prend dans les mots, du poème écrit, soudain l’oiseau se fait entendre, Adonis est étendu devant nous, le cheval s’échappe… tout est là.



Dans cette Condition des soies, scène circulaire qui fait penser au cylindre de Beckett du Dépeupleur, verre de champagne à la main et éventail dans l’autre, on ri beaucoup aux dizaines de digressions qu’Yves-Noël fait ici ou là au grès de ce que le texte lui rappelle… Un souvenir de Marguerite Duras, un coup de fil avec Régy, des anciens spectacles, des films, des recherches sur internet… Avec son humour ironique et un brin moqueur, mais souvent aussi plein d’enthousiasme pour tout ce qui l’entoure, il nous emmène dans son monde. Et on s’y sent bien… voilà ce que je préfère dans Genod, c’est Genod ! Un voyage dans le regard d’un artiste, c’est un moment rare, et c’est ce qui le rend précieux, lorsque quelqu’un tente de nous changer les yeux. Ici la découverte d’un texte magnifique, du mot à mot parfois et l’ampleur de l’émotion qui s’y cache est débusquée par un fouilleur professionnel, qui sait montrer derrière chaque image, la tragédie d’une Venus, désirant sans retour. Et l’on s’y voit, et le poème résonne en nous, comme autant de souvenirs à notre tour, un joli tour de passe-passe, entre les lignes d’humour, la douleur…

Encore jusqu’au 31 juillet à la Condition des Soies, à 18h.

jeudi 22 juillet 2010

On n'arrête pas le Théâtre - juillet 2010

« Le Roi de la Tour du Grand Horloge »
de William Butler Yeats
Mise en scène Eram Sobhani
avec Vincent Brunol, Miglen Mirtchev, Franco Senica, Stephane Auvray-Nauroy, Olav Benestvedt et Yuta Masuda
Scénographie
Sophie Courtat
Etoile du Nord jusqu'au 25 juillet

William Butler Yeats (1865 – 1939) est un auteur irlandais qui a reçu le prix Nobel de littérature en 1923. Au départ dans la veine des romantiques, il participera au renouveau de la création irlandaise, et ses poèmes et pièces seront d’inspiration pré-raphaélite. Sans doute ce qui donne à ce « Roi de la tour du Grand Horloge » un aspect si médiéval. Le metteur en scène a choisi de conserver cette ambiance, nous sommes accueillis par une scène disposée en carré, l’action se déroulant au centre. Les comédiens sont là, l’un d’entre eux nous offre une rose. Tout le jeu se fera dans une vraie lignée moyenâgeuse, on s’y croirait, à part sans doute les costumes plutôt contemporains. L’histoire mystérieuse d’un roi à la femme muette, qui vient se faire défier par un poète vagabond, ressemble à un conte pour enfant. Le poète demande à voir la reine, dont il dépeint les charmes sans jamais l’avoir vue. Jamais ? vraiment ? pourtant il semblerait que leurs voix s’unissent au delà des mots. Yuta Masuda a admirablement mis en musique les chansons écrites dans la pièce et que Yeats laissa à la création de qui voudrait. Tourbillonnant moment, entre chant, jeu et joute, les mots poésie nous perdent au gré d’une histoire qui ne se dévoilera pas complètement, nous laissant libre de nous la raconter nous-mêmes. Le comédien qui fait la reine est un homme, comme sans doute autrefois les comédiens jouaient les rôles des femmes. De même, la voix de la reine est chantée par Olav Benestvedt, tout cela procure une atmosphère extrêmement étrange, qui devient savoureusement morbide à la fin… Conservons le suspens pour ceux qui iront, cet instant de théâtre très particulier, dépaysant et original, est à voir encore jusqu’à dimanche au théâtre de l’étoile du nord à Paris.

Et aussi :

« Paroles Affolées »
de Sophie Mourousi
avec Mathilde Lecarpentier et Julien Varin
Etoile du Nord LE 25 juillet

C'est un passo-doble dansé par les mots, un duo, un rapport à deux, amoureux, séduisant, ou rapport de force ? C'est un jeu, en est-ce un vraiment ? Deux comédiens nous ravissent au grès de mots chéris ou violents, seuls ou à deux, ou seuls à deux, un homme et une femme, qui en quelques minutes, retracent le parcours des yeux doux ou embués. C'est une création très personnelle et très touchante de Sophie Mourousi, qui nous livre ici des impressions, partagées sans doute, sur la rencontre, l'essai de se parler, de "s'entendre" lorsque l'on séduit, lorsque l'on souhaite aimer. Et comment assumer au fond que nous sommes si différents, et que parfois la parole ne nous parvient pas, ou bien que celle que l'on tente de prononcer, n'atteint pas son but ? Que reste-t-il ? Et s'il ne restait que le corps ? A bout de souffle, à bout de danse...
C'est drôle et tendre, c'est pinçant aussi, c'est à voir à l'Etoile du Nord en clôture du festival "On n'arrête pas le théâtre" le 25 juillet.

vendredi 16 juillet 2010

Avignon - Marthaler

« Papperlapapp »

de Christoph Marthaler et scénographie Anna Viebrock

variations de Christoph Marthaler, Malte Ubenauf, Olivier Cadiot et les acteurs d’après des textes de Herbert Achternbusch, Don Gabriele Amorth, Olivier Cadiot, E. M. Cioran, Dario Fo, Søren Kierkegaard, Professor Madya, Henri Michaux, Julien Torma et Malte Ubenauf.

Musique : Martin Schütz, JS Bach, K. Bette, Antoine Busnoys, F. Chopin, Carlo Gesualdo, J. Haydn, F. Liszt, Joseph Meyer, WA Mozart, GP da Palestrina, Pérotin, E. Satie, G. Verdi et R. Wagner.

avec : Marc Bodnar, Raphael Clamer, Bendix Dethleffsen, Evelyne Didi, Olivia Grigolli, Rosemary Hardy, Ueli Jäggi, Jürg Kienberger, Bernard Landau, Sasha Rau, Martin Schütz, Clemens Sienknecht, Bettina Stucky, Graham F. Valentine et Joeren Willems.

Cour d’honneur du Palais des Papes du 7 au 17 juillet

Cette pièce est véritablement un ovni théâtral et musical, qui a été très moyennement accueilli à Avignon. Créée sur place pour le festival, la scénographie s’est inspirée dans la cour du Palais des Papes. Revêtement de différents types de sols, tombes papales ça et là, petites niches de chaises, entrée d’immeuble ou encore mini crypte sont installées dans le fond de scène. A jardin un bout d’intérieur d’église avec un confessionnal, et derrière une piste d’atterrissage pour hélico. A cour de l’électroménager et un camion de transport de militaires, et au milieu une énorme machine à laver et une glacière coca cola. La plupart des fenêtres de la cour sont « refaites » en PVC blanc et des climatiseurs y pendent (enfin j’espère que c’est un décor… la façade étant classée !).



Voilà dans cet univers de petits bouts, semblant reconstituer plein d’espaces de rencontres, un groupe d’hommes et de femmes vont déambuler, chanter, se courir après, s’embrasser, rire, pleurer, boire, recréer l’univers religieux, ou pas. Une juxtaposition de moments les plus loufoques les uns que les autres, parfois proches de l’univers Monthy Python ou Deschiens, des chants classiques magnifiquement interprétés, des textes reprenant parfois l’histoire de la bible, ou purement accusateur de la vie dissolue des Papes… On est dans l’absurde, le poétique, le lyrique et parfois le burlesque. Parfois la situation est tellement ridicule, qu’on est à la limite de sentir qu’on se moque de nous… Mais n’en est-il pas de même avec le religieux en général ?

Et puis au détour de situations, on se prend à rêver sur la musique magnifiquement interprétée (un piano à queue à l’étage, très belle image entre les ogives gothiques) et chantée par les comédiens (Mozart, Bach, Liszt, Verdi, Wagner…) entre la mélancolie et la solitude, autres revers de la contemplation et beauté des œuvres créées pour Dieu. Et puis les comédiens se promènent d’étages en étages, l’espace est entièrement utilisé, ce que je trouve très intéressant. Les femmes montent jusqu’en haut des remparts et jettent des sandwichs aux hommes restés en bas… C’est de nouveau des images absurdes à interpréter. La religion nous nourrit ? Ou bien est-ce qu’aujourd’hui la nouvelle foi c’est la consommation ?



Ce qui impatiente les spectateurs, je pense c’est la disparité des saynètes qui peuvent lasser car elles sont toujours un peu dans la même veine et ne sont pas vraiment liées entre elles. Par exemple, à un moment ils reviennent en costumes médiévaux, ils sont visiblement saouls et titubent, ils vont dans le camion qui tente de démarrer sans succès, alors ils ressortent et retraversent l’espace dans l’autre sens. Au milieu du plateau, ils s’arrêtent pour chanter… C’est à chacun d’y voir le sens qu’il veut… Et puis le temps s’étire… le metteur en scène prend le temps, les comédiens l’utilisent et de longues minutes se passent sans qu’il ne bougent vraiment. Un hommes assis sur les bancs de l’église parle de ses mensonges, c’est Jesus. Un autre fait un discours à propos d’un caddie autour duquel tous prient, c’est Dieu… Les hommes revêtent des costumes de Papes, s’en amusent, puis les mettent à laver avant de plonger la tête dans le tambour de la machine…

Tout y passe, la sexualité refoulée ou carrément assouvie, la corruption, la décadence, l’intimité, autant de thèmes abordés en clins d’œils et de jeux simples. Autant de textes et d’auteurs mélangés, que de thèmes musicaux différents tissent le fond de cette création unique. Toutes les métaphores de la religion sont représentée et à chacun d’en tirer les ficelles. Jusqu’à la très bonne tirade d’Evelyne Didi, qui s’adresse à tous les Papes réunis en un, et lui dresse la liste de leurs méfaits au cours des siècles…

Malgré l’impatience et les gens qui sortent beaucoup pendant la pièce, j’ai vraiment aimé cette création. Il n’est pas courant finalement de mélanger autant d’ingrédients disparates avec cette dextérité, et d’utiliser cet espace avec autant d’ingéniosité et de finesse, tout en critiquant joyeusement la religion ou toute forme d’aveuglement. Quant à la lenteur, elle prend son sens dans une forme réflective de contemplation et permet aussi de mieux apprécier les enchaînements, de ne plus être que dans une forme de comique immédiat, mais permet de mesurer la gravité qu’il y a derrière le propos. Vrai pied de nez malgré tout, dans cette cour d’honneur qui abrita il y a quelques siècles, six pontificats…

Faites vous votre opinion :

A voir sur Arte TV + 7 ICI encore quelques jours


jeudi 15 juillet 2010

Avignon - Nordey - Richter

« My Secret Garden »
de Falk Richter
Mise en scène Stanislas Nordey
avec Stanislas Nordey, Anne Tismer, Laurent Sauvage
Scénographie
Katrin Hoffmann
Salle Monfavet du 9 au 17 juillet

La vraie découverte de ce festival, à mon sens, mon coup de cœur, c’est cet opus « autofictionnel » de Falk Richter, admirablement mis en scène par Stanislas Nordey et porté par trois comédiens exceptionnels. Né d’une collaboration entre les deux metteurs en scène, ce texte n’a cessé de se modifier au cours des répétitions raconte Nordey. Au départ une sorte de journal intime d’un auteur de 40 ans, qui s’interroge sur sa vie, son enfance, la relation avec ses parents issus d’une génération bien particulière de la fin de la seconde guerre mondiale, sa création, son devenir…

Cela commence par une recherche de titre, Stanislas Nordey, porteur de la parole de Falk Richter, ou comment être dans la peau d’un semblable différent, 40 mn de monologue à bout de souffle, sur l’enfance, l’adolescence, ou l’horreur de la découverte des secrets d’une famille allemande… Et puis l’on s’interroge sur le souvenir, en quoi l’enfance nous constitue, ce que l’on laisse nous façonner, ce que l’on fuit définitivement, ce qui nous rattrape néanmoins… Tout fait écho, quelque soit notre âge ou nos origines, cette pensée parfois criée par un Nordey époustouflant d’énergie et d’abîme, vient frapper à notre porte.

Et puis cela s’enchaîne avec des « brouilleurs de pistes », deux autres comédiens rejoignent le plateau. Anne Tismer tout d’abord, la femme, les femmes, le regard bienveillant, ou l’échappée. Et Laurent Sauvage, la parole extérieure, d’un intérieur qui se regarde faire, parfois avec ironie, ou tristesse, ou encore impatience. Ils saisissent des micros et chacun à leur manière, témoignent. Nordey continue sur cet effet miroir du metteur en scène, qui semble questionner les deux autres comme autant d’interlocuteurs potentiels. Laurent Sauvage raconte, les lieux, les rencontres, les hôtels du bout du monde, la solitude du créateur, Anne Tismer mime, joue, imite les femmes qui passent, qui restent, ou que l’on rêve, ou le conférencier qui parle de « désamorcer la colère »… et puis la parole s’élargit « nous sommes tous des mutilés de guerre économique », devient cynique « tout cela est triste, atrocement solitaire et merdique ». Un film sur l’enfant est projeté et les trois comédiens se mettent à démonter le décor qui était fait de boîtes en métal. Ils les ouvrent et les déballent à la manière d’enfants dans un grenier, découvrant leur histoire. Des écrits, des objets envahissent le plateau, du petit électroménager des années 60… et puis de quoi se faire un barbecue, trois saucisses et une bonne bouteille, un peu comme pour dire que finalement tout cela n’est pas si grave. Une forme de pirouette, pied de nez à la bourgeoisie qui peut s’insinuer en nous malgré tout.


Après tant d’efforts, qui n’a pas envie de poser un peu ses bagages ? L’ouverture des « boîtes » peut se faire aussi joyeusement, comme fouiller dans sa mémoire peut aboutir à quelque chose de pacifié. C’est une pièce magnifique, un texte riche et drôle, ce qui m’avait manqué jusqu’à présent dans ce festival, une vraie écriture. C’est aussi un résultat extrêmement abouti, alors que tout s’est répété en trois semaines, le texte se modifiant au fur et à mesure. Peut-être parce que Richter a écrit pour ces comédiens là ? Peut-être parce que deux metteurs en scène sur un projet en resserrent les failles ? Ou parce qu’une parole juste, est porteuse de lumière ?

« Je voudrais que tu me dises que tout cela n’est pas de ma faute » demande « l’auteur » à la fin à la femme qu’il aime, ou celle qui la représente. Une histoire de culpabilité, une volonté de digérer son histoire et d’en ressortir avec le meilleur, une responsabilité ensuite d’être en ce monde et de vouloir y porter un message.

A courir voir en reprise !

Reprise aux Quartiers d’Ivry en Décembre 2010 et ensuite en tournée en France et Belgique en 2011

un extrait (texte de Büchner) : ICI

arte : ICI d'autres extraits


samedi 10 juillet 2010

Avignon - Lambert-Wild

« La mort d'Adam, ou deuxième mélopée de l'hypogée »
de et mise en scène Jean Lambert-Wild
avec Bénédicte Debilly, Jeremiah McDonald, Jean Lambert-Wild et le petit Camille Lambert-Wild
musique Jean-Luc Therminarias
Film : François Royet
Au Tinel de la Chartreuse du 8 au 15 juillet

Une femme s’assoit dans un fauteuil et nous lit une histoire. Sur le plateau défilent des images filmées sur un écran et derrière des scènes se déroulent en écho à ce film. C’est une légende racontée par son narrateur. Un fils de roi, qui règne sur une île, narre sa naissance, son adolescence et son mysticisme. Pendant ce temps un homme en pyjama arpente la plage avec son fils sur le film et puis est fait comme prisonnier par un homme peint en noir. Sur le plateau ce même homme en pyjama entre et sort part des portes qui s’ouvrent et se ferment…

Abondance d'images qui se succèdent. L'homme a le visage peint en rouge, et sur le film les yeux bandés. L'imaginaire mis à profit doit pouvoir interpréter les nombreuses références. On parle de la mort du père, de celui de Dieu, de la perte des repères, du besoin de culte et de mysticisme. La présence très forte de la nature et les déambulations sur la terre natale de l'auteur, l'île de la Réunion, renforce l'intensité du retour aux sources, à la mère, et à la violence de ce que l'on ne maîtrise pas. Les portes et les entrées et sorties comme autant de chemins possibles pour l'homme qui se perd. Sa position d'esclave ou encore sa soumission à sa destinée...

Le texte raconte le Dieu Adam, forme de taureau blanc géant, minotaure gentil et obèse, qui protège sa population qui l’adule. L’écriture est extrêmement précieuse, parsemée de mots compliqués, et pompeux qu'il est difficile à suivre parfois. J’avoue avoir du mal à m’intéresser à cet enchevêtrement de couches, qui finissent par nous perdre de par trop d’images et de sous-titres, sous-entendus obscurs. Une scène finale rappelant « la Cène » se propose de manger le Dieu Adam, et l’homme au pyjama se voit couper la tête, mangée à son tour par son double…

C’est un mélange entre art contemporain et théâtre, comme Gisèle Vienne, ou la musique plonge dans un univers glauque et saisissant. Mais autant le système art contemporain obscur et « poétique » me laisse indifférente chez Vienne, autant ici, il me semble animé par une sincérité qui est tout sauf mondaine. La pièce est obscure mais honnête et la parole délayée dans une chantilly de mots alambiqués, repose sur des préceptes réels de pensées sur le rapport à la déité ou au culte, païen ou parental. Dommage que tout cela se dissolve dans des directions multiples qui nous égarent. Là où Vienne me semble noyer un propos pauvre dans une surabondance d’effets, Lambert-Wild fait le contraire et son message sans doute passionnant ne m’est pas totalement parvenu faute d'un peu plus de simplicité peut être…

Un extrait ICI


vendredi 9 juillet 2010

Avignon - Lagarde - Cadiot

« Un nid pour quoi faire »
mise en scène Ludovic Lagarde
texte d'Olivier Cadiot
Scénographie Antoine Vasseur
avec Pierre Baux, Valérie Dashwood, Guillaume Girard, Constance Larrieu, Ruth Marcelin, Laurent Poitrenaux, Samuel Réhault, Julien Storini et Christèle Tual
musique Rodolphe Burger
Au gymnase Gérard Philipe du 8 au 18 juillet

A l’origine un roman, plus tard une chanson de Rodolphe Burger, et maintenant une pièce, « Un nid pour quoi faire » adaptée par Lagarde en collaboration avec Cadiot, est assez réussie, dynamique et drôle.

Un immense loft style chalet de montagne est recréé sur le plateau, un écran géant remplace le mur du fond. Vidéo de neige et de montagne, parcours de routes, exil, des images projetées, entre les souvenirs, l’imagination et la fenêtre ouverte du loft. Et c’est parti au pas de course et en musique les comédiens investissent l’espace. Une cour royale en exil, un roi en tête, cherche à redorer son blason aux yeux du monde, et « brainstorme » sur une communication efficace. Un nouveau venu est recruté pour apporter des idées. Cour baroque, loufoque, déjantée comme devait l’être celle des rois décadents, inoccupée et trouvant des jeux les plus ridicules ou cruels les uns des autres. Et puis en fond, cette voix off qui est celle du « petit nouveau » observant ces personnages singuliers, clins d'oeil à certains travers de notre société ? : le médecin M. Bouboules (« les petites boules de minéraux tous les matins »), Goethe l’intendante et coach de tout le monde (exceptionnelle Valérie Dashwood), la marquise et la dauphine, le poète (appelé Bossuet) qui commet des aikus aussi pauvres les uns que les autres, le Prince qui désole son roi, et une cuisinière… Tout ce petit monde couche ensemble à ses heures, se chamaille sans cesse, dit beaucoup d’âneries, fait de son mieux pour divertir un roi blasé, las et fat de sa personne, qui finira par jeter l’éponge. Bien sûr des dizaines de parallèles à notre « royauté » actuelle se font dans nos têtes au cours du spectacle, même si ce n’est jamais évoqué clairement. De même le ridicule de la « communication » à outrance et de l’univers de la pub sont mis à mal de manière fort savoureuse. Ou comment discrètement, se moquer des « pubeux », prêts à tout pour faire passer des messages, quitte à être complètement excessifs et en dehors des réalités. Bref le règne du superficiel, du zapping, dès que l'on s'ennuie on cherche une nouvelle distraction... Société médiatique et qui n'existe pas sans communication efficace ?

Nous voilà revenus au temps ou Molière singeait ses contemporains avec beaucoup de finesse, n'est-ce pas ?

Les passages en voix off sont plus poétiques et réflectifs, et contrastent avec le dynamisme des scènes. « Respiration » intéressante, même si je n’ai pas été transcendée par l’écriture…

Une bonne pièce, de très bons comédiens, je n’aurais peut-être qu’un regret, que ça ne soit pas légèrement plus trash, car finalement pour ce que cela « dénonce », l’ensemble reste assez « sage ». Alors de quel nid s’agit-il finalement ? Le refuge, le lieu où l’on s’échappe de tout, apparaît ici plutôt mortifère, et illusoire, comme un eldorado dont finalement on essaye de partir à tout prix. Et surtout pour quoi faire ? Car qui peut échapper à son environnement ? Et l'on se prend à rêver d'en trouver un...

Reprise en octobre au théâtre de la ville à Paris

des extraits vidéos ICI


Avignon - Vienne

« This is how you will disappear »
mise en espace Gisèle Vienne
textes de Dennis Cooper
avec Jonathan Capdevielle, Margret Sara Gudjonsdottir, Jonathan Schatz
musique Stephen O’Malley et Peter Rehberg
Au gymnase Aubanel du 8 au 15 juillet

Premier jour du festival je commence par le spectacle de Gisèle Vienne « This is how you will disappear », une création multiforme, multi-mains, multi-sources… Dans un gymnase immense et glacial, bienvenu par cette chaleur, l’artiste a recréé une forêt sur le plateau. Rapidement des nappes de sons, musique de film d’horreur améliorée nous plonge dans une ambiance lugubre. Une jeune gymnaste s’entraîne avec son coach, répète des mouvements, costumes blancs qui dénotent dans l’ombre. Le texte de Dennis Cooper défile dans un coin en haut, il parle de mort, de tuer, de jeter un corps dans la rivière... Les pulsions de mort de Vienne épousent parfaitement celles de Cooper, leur univers se fait écho. Le coach disparaît, la gymnaste reste seule et danse. Puis une nappe gigantesque de brume nous envahit et plonge le gymnase dans le brouillard.
Nous restons comme cela un moment écoutant la musique brumeuse elle aussi, essayant de distinguer quelque chose sur le plateau. Très belle image et sensation assez forte de dépaysement, et soudain une forme se distingue. Entre les couches de nuages distillées, un homme tête baissé, costume noir et or apparaît. Cela restera pour moi le moment le plus marquant de cet ovni, finalement assez obscur. La rock star sorte d’ersatz de Tokyo Hôtel, abattue, se traîne entre les arbres en gémissant et le coach revient pour lui demander ce qu’il a. Et de nous raconter en pleurant qu’il a tué ou aurait tué sa copine, violée peut-être ? Tout ceci n’est pas clair, fantasme ? réalité ? il pleure… et puis le coach de lui casser la figure, de le tabasser. La fille revient, et penchée sur son cadavre, ou pas, lui parle en chantant sa vie de gymnaste célèbre. Puis tout disparaît et réapparaît un tableau de marionnettes géantes, sorte de scène de camping immobilisé, recréant les personnages précédents et en rajoutant d’autres. Enfin le coach revient, un grillage se baisse, un faucon traverse l’espace. L’ancien coach en tenue de tir, tire à l’arc sur un arbre.

La mise à mal des icones adolescentes que sont la gymnaste ou le chanteur de midinettes, plongés dans une forêt "Blair witchénne", comme la somme de toutes les peurs et la violence de ce passage à l'âge adulte, l'échappée de la nature et des images adultes carcérales... La liberté surveillée et l'impossibilité d'échapper à sa route, "le dérapage"... le fantasme de celui-ci, aller trop loin, mais finalement... mettre la forêt en cage. Transformer les hommes en marionnettes... Nombreuses sont les interprétations de ces tableaux qui se succèdent, mais qui tournent un peu en rond.

D’un côté il faut saluer la facture moderne et singulière, la beauté du décor et l’effort d’univers qui transporte le spectateur. Mais d’un autre je me suis sentie très exclue de ces saynètes enchaînées, qui me racontent trop ou pas assez, d’un texte un peu récurrent et que je trouve plutôt pauvre, et enfin d’une forme posée et sinistre, dont le message si tant est qu’il y en ait un, reste aussi obscur que sa forme. Beaucoup de bruit pour rien a été ma première pensée en en sortant avec énormément de moyens et de gens (musiciens, marionnettes, décor naturel, fauconniers, etc.) pour un fond finalement relativement indigent, qui se veut contemporain et poétique, est en fait pour moi assez plaqué et superficiel.

lundi 5 juillet 2010

Rencontre Blogueurs au théâtre de Gennevilliers avec Pascal Rambert

Fin de journée, début chaud d’été parisien, nous sommes une dizaine, accueillis par Pascal Rambert dans son grand «paquebot» de Gennevilliers. Sylvie et Pauline nous servent un mojito menthe fraise, bienvenu avec cette chaleur. Pascal nous fait visiter ce lieu dont il a repris la direction depuis maintenant 3 saisons. Quelques infos sur les lumières «inutiles, qui annoncent si le théâtre est en veille, en répétition ou en scène, petits détails poétiques comme un phare dans une ville éclairée. Mais c’est avec ces «petits riens» que la magie commence. Ensuite un tour dans ce grand théâtre et un oeil sur cette immense halle qui le juxtapose, prêtée par la mairie et qui va devenir un Franprix à la rentrée... Soupirs de tout le monde... quel dommage de perdre un tel espace. Mais de l’espace il y en a au théâtre de Gennevilliers, l’immense plateau 3 notamment, réalisé par Sobel à l’époque, que l’on peut diviser en deux et qui est totalement insonorisé. Enfin Pascal de conclure que dans ce lieu, après les ordi du rez-de chaussée qui servent notamment aux «jeunes du quartier» qui viennent surfer sur le net, la bibliothèque de livres et le salon du premier, qu’il a presque tout réalisé, à part la librairie «trop petite pour Gallimard»...

Nous prenons finalement l’apéro sur la terrasse à la fraîcheur des plantes, et Pascal nous présente la prochaine saison.


Toujours dans l’esprit de présenter des artistes contemporains, vivants, des «artistes entiers» la saison prochaine restera dans la continuité des «spectacles difficiles». C’est à dire pas forcément pré-mâchés mais pour peu qu’on s’y attarde, totalement accessibles à la sensation. Pascal Rambert aime bien travailler sur des projets spécifiques avec des artistes qu’il admire, et depuis le début de son directorat, seul Hubert Colas et Jan Fabre n’ont pas encore été à l’affiche. Ceci sera réparé en saison 11-12 si les agendas le permettent.

Mais pour en revenir à 10-11, dans la nécessité de présenter des travaux qui participent à «laver le regard, remettre à zéro... re-regarder les gestes autrement» des artistes peu connus seront invités : Mathieu Bertholet, Christophe Fiat par exemple. Bien sûr toujours autant de place pour la danse avec Mathilde Monnier et Cindy Van Acker. Les arts plastiques avec cette année le japonais Ryoji Ikeda, «toujours novateurs en gestes artistiques les japonais» dit Pascal Rambert, et aussi Toshiki Okada en théâtre. Une pièce en islandais, voilà une des belles originalités de cette année sur un texte de Marie Darrieussecq, mis en scène par Arthur Nauzyciel. Il y aura aussi de l’Opéra, un pour enfants par Pascal Dusapin et André Wilms, et puis «Armide» de Lully, mis en scène par Pascal Rambert.

Les ateliers d’écritures continueront l’aventure ainsi que les rencontres philosophiques, dirigées l’année dernière par Marie-Josée Mondzain, qui a désigné comme successeur cette année Emmanuel Alloa. Les ateliers d’écriture dont on peut voir des témoignages ici, et auquel j’ai participé une fois. Expérience passionnante, j’écrirai sans doute un article dessus.

Et puis dans l’idée de la transmission, de créer un lien entre les générations d’artistes de théâtre, entre ceux qui occupent brillamment la scène depuis de nombreuses années et la génération qui arrive, Pascal Rambert a voulu inviter Patrice Chéreau, Claude Régy, Bernard Sobel et Jean-Pierre Vincent un soir dans l’année à répondre à des questions. En partenariat avec François Berreur et des journalistes, pour «créer de la porosité, revenir avec une autre parole» nous dit Pascal. Je pense que pour des jeunes artistes c’est précieux inestimable comme échanges. Personnellement dans mon travail de recherche en mise en scène, je suis très demandeuse de ce genre de rencontres. Le 104 en organisait parfois aussi du temps de Fisbach-Cantarella, espérons qu’ils continueront.

Dans le même esprit de transmission, il y aura aussi comme l’an passé, des répétitions ouvertes, et cela aussi je vous le conseille pour voir des artistes travailler. (Christophe Fiat, Mathieu Bertholet et «16 ans» de Pascal Rambert).

Enfin Nan Goldin sera la photographe invitée cette année et ceux qui veulent peuvent dès aujourd’hui commander un agenda avec ses photos ici.

Pascal conclut en expliquant qu’il a conscience que cette programmation est rigoureuse et qu’il doit travailler avec à l’esprit le fait qu’il y a de moins en moins d’argent, que la fréquentation baisse et que les théâtres de banlieue attirent moins que ceux de Paris. Il y a «un rapport particulier à la distance». Mais il souhaite que les gens puissent venir voir une année entière, pour «traverser une programmation et la comprendre comme un geste artistique» en soi. Il termine en disant que «ce geste s’il le rate, il ne sait pas si ceux qui lui succéderont auront les moyens de le faire»...

Saison détaillée sur le site du théâtre 2 Gennevilliers ICI

samedi 3 juillet 2010

Laurent Terzieff

France Culture bouleverse ses programmes pour rendre hommage au très grand Laurent Terzieff qui vient de nous quitter.

La grille c'est ICI.